Texte et photos: Thamasit
« Pour l’Astrologue de Bruges, je n’étais seulement qu’à une heure de voiture. » disait Roger Leloup. Même si vous êtes à douze heures comme moi, n’hésitez pas, quitte à faire le trajet en deux ou trois fois, partez donc sur les traces de Yoko à travers le vingtième album. La précision de la bande dessinée nous permet en effet de parcourir les trajets qu’a faits Yoko sans aucune erreur possible. Non seulement dans le présent mais aussi lors de son voyage dans le passé.
Là où commence la fiction.
Parallèlement au récit, Leloup nous fait découvrir la Venise du nord à défaut de celle du sud qu’il avait choisie initialement. Et dresse en arrière plan, les décors les plus beaux de la ville. Dans l’histoire, à mesure que le mystère s’épaissit, les lieux sont progressivement plus difficiles à découvrir. Cette ville y apparaît sur deux plans : l’un, les lieux habituels, davantage touristiques et l’autre les quartiers, les ruelles, les canaux les plus mystérieux de Brugge où il faut pratiquement montrer patte blanche pour y pénétrer. Et ce sont dans ces endroits où l’on pourrait rencontrer Jos, Karel, Hilde et Anna, van Laet, le marquis de Torcello (Torcello, curieux rapport avec Venise). Van Laet a disparu avec ses meubles et ses tableaux, et le marquis s’est désintégré dans le jardin de monsieur Jos .
Quant à Hilde et Anna, peut être ont-elles réellement un magasin où elles louent des vêtements de scène et Karel est-il médecin quelque part dans Bruges. Mais penchons nous plutôt sur monsieur Jos.
Aujourd’hui, les canaux sont moins nombreux qu’au XVI
ème. On peut constater cela lorsqu’on admire le plan de Marcus Gérards au musée Arenthuis dont une copie se trouve dans le restaurant « La baguette » dans la Mariastraat où on peut le regarder en mangeant son casse-croûte.
Lorsque Yoko musarde en attendant vingt heures, les lieux sont assez faciles à retrouver. Ensuite elle rencontre le fameux monsieur Jos qui l’invite à voir la maison de van Laet. Si vous prenez un des nombreux bateaux touristiques de la ville, le tour ne vous emmène pas plus loin que jusqu’à ce que « le canot s’engage dans un canal latéral ». Après il faut continuer à pied par les ruelles longeant le canal, canal qui est le moins fréquenté de Bruges mais qui est aussi le plus beau. Les façades y sont superbes, des arbres majestueux le recouvrent et un jardin public y est presque vide début août. Ce canal est long mais vaut le coup d’être suivi dès la rue gouden-handrei puisqu’il nous mène chez van Laet. Mais là un obstacle de taille surgit au pont du lion que traverse Yoko à vingt heures près de chez van Laet. En effet de chaque côté du pont de la leeuwstraat les rues ne passent pas le long du canal et la façade d’où saute Yoko reste invisible à cause de la végétation qui engloutit à la fois les maisons et « les virus qui sont tenaces dans les canaux ».
Les portes des rues parallèles au canal où devrait se situer l’entrée de la maison sont fermées vigoureusement alors…. « Alors, vous fûtes triste, un peu déçu, vous avez regagné le pont mystérieux d’où vous vous imaginiez monsieur Jos faisant sortir Yoko du canal là où elle venait de tomber. Vous avez ouvert pour la 24ème fois la bande dessinée qui ne vous avez pas quitté depuis le début du voyage. Pendant ce temps, deux personnes discutaient, l’un tenant son scooter à la main, peut être était-ce une vespa, l’autre était sans doute le propriétaire d’un restaurant se trouvant juste après le pont, vers le centre.
L’homme au scooter aperçut le Yoko entre vos mains, il vous fît signe en souriant. Vous avez engagé la conversation, le restaurateur était plus dynamique, il parlait plus, il était sceptique quant à la logique de l’enchaînement des ponts, mais vous vous savez que la bande dessinée est parfaite. L’homme au scooter s’en alla, le restaurateur vous expliqua qu’il existe encore des mystères sous Brugge, peut être le laboratoire de Balthazar. Après l’avoir salué, il partit à son tour. Alors ayant ouvert la bande dessinée, vous avez eu un grand étonnement, l’homme au scooter ressemble extraordinairement à monsieur Jos. Pourquoi ne pas l’avoir reconnu plus tôt ! Alors… » Alors, où donc s’arrête la réalité, où donc commence la fiction, Pol, Vic et Yoko, appartiennent à Roger Leloup et sont Roger Leloup, mais les autres personnages peuvent peut être exister même partiellement puisque Yoko et donc Leloup les a rencontrés.
Mais à jouer à suivre ainsi les traces de Yoko, ne risquons nous pas de perdre la part du rêve? Comme Leloup le fait dire à son héroïne aux yeux en amande dans la Frontière de la Vie : « Vous qui savez, contentez vous de rêver. » Laissons donc à Roger Leloup le soin et la liberté de guider son amie d’enfance et conservons les merveilleux joyaux de son héroïne dont il a la bonté de nous faire le don.
Texte et photos: Thamasit
2 commentaires
Kaldorion
Bravo, Thamasit, pour ce magnifique article !
Little boudha
Superbe article ! Tout simplement : Bravo !