Les articles des fans

Cette catégorie rassemble les articles écrits par les fans qui sont pour la plupart exclusifs au site L'amitié au bout du rêve.

  • La lumière d'Ixo
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    Interview de Vittorio Léonardo

    Il s’agit d’une interview faite par un de nos membres, à savoir Raphys2002 à Hornu en Belgique, le 18 mars 2006. Raphys, s’est improvisé reporter (ou peut-être que c’est sa vocation). C’est une petite interview, mais très précieuse car c’est la première exclusivement pour le site! Pour votre information Vittorio Léonardo et  son équipe, ont mis en couleur nos Yoko Tsuno depuis 1970.

    La colorisation était faite à la gouache, par Béatrice jusqu’à l’Astrologue de Bruges. A partir de la « La porte des âmes », les planches sont colorisées à l’ordinateur.

    Pour connaître un peu mieux Vittorio voici une page de nos amis de la Bédéthèque


    Interview de Vittorio Léonardo


    Raphael Duleu – Pouvez vous, vous présenter et dire votre parcours professionnel ?

    Vittorio Léonardo – Je suis Vittorio Leonardo, ami de Roger, coloriste historique des grands dessinateurs des éd. Dupuis des années 60. Je suis le suis devenu par libre choix et par amour de la couleur et des techniques d’imprimerie. J’ai commencé par le scénario et le dessin d’une série restée sans suite: Barbotine. J’ai fait mon apprentissage de la BD d’abord en autodidacte, puis j’ai rencontré Morris, Remacle, Franquin, qui m’ont conseillé. Mon métier de retoucheur chromiste en imprimerie et ma longue pratique de la peinture m’ont amené par après à mettre en couleurs les bandes dessinées de mes collègues! A mes débuts, mes couleurs ont été tellement appréciées par les dessinateurs et la rédaction de Spirou que M. Paul Dupuis à décidé de me confier les mises ne couleurs de toutes les séries de son édition! J’ai ainsi mis en couleurs les premières pages de Yoko Tsuno!

    R.D. – Quel est le processus de la colorisation d’une bd et plus précisément, sur un album de Yoko Tsuno?

    V.L. – Roger fait son dessin en noir et blanc, puis fait une maquette couleurs sur une photocopie. Ensuite, par ordinateur, je fais une mise au net des couleurs.

    R.D. – De nos jours la colorisation se fait donc par ordinateur, est ce que la gouache ne vous manque pas de trop ??

    V.L. – Non non non du tout !!! la gouache ne me manque pas du tout, par ordinateur tout est devenu plus simple et plus précis, et les possibilités de nuances sont infinies! Ceci dit, je fais de temps en temps des peintures à l’huile.

    R.D. – avez-vous un souhait pour votre avenir ?

    V.L. – J’aimerai consacrer un plus grand nombre d’heures à l’écriture de scénario.

    R.D. – un petit mot pour nos amis Yokotsuniens ?

    V.L. – Ils ne savent pas la chance qu’ils ont de pouvoir lire les BD de Yoko tsuno , avec des personnages si vrais, si authentiques, venus du fond du coeur de Roger: il les fait vivre, les fait vibrer. Il s’implique énormément dans son travail afin qu’ils prennent vie… si Roger fait souffrir un de ses personnages, il souffre également… Sa bande dessinée n’a pas le but commercial de bien d’autres: Roger la fait par amour.      

    R.D. – Merci beaucoup pour votre gentillesse, et à bientôt !!  

    Interview réalisée par Raphael Duleu alias Raphys2002

  • De Lôghar à Gobol
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    De Lôghar à Gobol

    Cette nouvelle histoire, vous est comptée par Gobol (membre de notre site) c’est un “complément” de “l’histoire de Gobol”. Vous allez donc tout savoir sur la genèse de Gobol, le personnage Des exilés de Kifa de Roger Leloup.


    DE LOGHAR A GOBOL


    Gobol

    Mon vrai nom, c’est Lôghar. Je suis né sur Vinéa il y a une éternité.

     

    Je suis apparemment le seul Vinéen à avoir pris du recul par rapport à cette société. A y avoir réfléchi, à avoir cherché un sens à tout ça. Finalement, ce sont les Vinéens eux-mêmes qui m’ont obligé à m’éloigner : ils m’ont banni de ma planète. Et pourtant, j’ai fait mon possible. J’y avais toute ma place. Mais quelque chose a dû leur déplaire en moi : malgré tout ce que j’ai fait pour cette planète, pour ses habitants, pour ses enfants? je n’ai pas eu d’autre alternative que de les quitter. J’ai même changé de nom, pour pouvoir continuer de vivre? J’ai pu ainsi disparaître du monde qui m’avait fait naître, et renaître au monde que je me suis créé. Aucun des Vinéens vivant aujourd’hui ne m’a connu quand je m’appelais encore Lôghar. Au début, j’ai regretté le monde d’où je venais. J’ai souffert de la solitude, malgré le réconfort apporté par la présence de mes robots. Il y avait mes androïdes, les « archanges » comme ils les ont baptisés, et surtout ma chère Hégora. Mais j’ai dû les laisser sur Vinéa : sans eux, mon ?uvre n’aurait pu survivre?

    J’écris mes mémoires parce que je veux que quelque chose me survive, et que les Vinéens des générations futures puissent réfléchir à ce à quoi conduit leur société pour les êtres qui ne peuvent s’y sentir bien, pour une raison ou pour une autre.

    Certains disent que je suis fou, d’autres que je suis un génie? Je ne me sens ni l’un ni l’autre. Simplement pas à ma place.

     

    Si j’écris aujourd’hui, c’est parce que je ne sais pas si je survivrai à mon prochain projet. Il me semble être le plus dangereux de tous ceux que j’ai menés à bien jusque-là. Et puis, si je ne reviens pas, je ne manquerai à personne. Personne ne se soucie de moi. Je me demande même si quelqu’un, en dehors de mes créations, se souvient de mon existence?

     

    Mais si je dois disparaître, je veux le faire en connaissant la vérité. Toute la vérité sur moi, sur mon existence. Je suis un paradoxe vivant : je connais à peu près tout sur tout, j’ai appris tout ce qu’il y avait à apprendre dans tous les domaines de la connaissance, et pourtant, je suis incapable de répondre à une question simple : Qui suis-je ? Il y a un vide dans mon existence, et il me faut le combler, d’une manière ou d’une autre. Ce sera mon dernier projet, avant de mettre à exécution mon plan de vengeance. Mais avant, je dois savoir. Toute ma vie aura pu se résumer à cela : la quête du savoir. Mais ce savoir-ci est le plus important de tous.

    -Page 1-
  • Gobol
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    L’Histoire de Gobol

    L’histoire de Gobol écrite par Amélie dont nous laissons la parole :
    J’ai écrit cette petite histoire parce que Gobol n’est présent en tout et pour tout que sur 6 pages des « Exilés de Kifa », en comptant celle où il apparaît de dos, et celle où il est réduit à l’état de squelette. Or, c’est un personnage on ne peut plus important, si on considère qu’il est à l’origine des archanges, des « mynalycos », de la Reine Hégora , de Tryak et sans doute d’autres robots plus obscurs, moins connus…
    J’aime bien mon avatar, je lui ai « inventé » un passé. J’ai soumis ce récit à Emilia, pour avoir l’avis de Roger Leloup. Voici sa réponse :
    Merci Amélie pour ce beau texte… Il lit entre les images et comme le dit Roger quand le texte remplace l’image pourquoi la dessiner. (…)Tu peux mettre ton texte en lecture pour tous… Ils aimeront.
    Et ensuite, par message personnel :
    J’espère que tu as bien reçu ma réponse par ton mail… Comme je te l’ai dit je trouve ton histoire de Gobol très bien faite… Tu lui donnes un passé fabuleux et une notoriété que les Exilés de Kifa n’ont pas su rendre. Tu dois en faire profiter tout le monde.
    C’est ce que je m’emploie à faire ici. Bonne lecture à tous (vous verrez, ce n’est pas très long…) !
    Gobol (celui du site, pas le « vrai » !)

    L’Histoire de Gobol

    Gobol
    Je vais vous raconter une histoire.
    Celle d’un homme exceptionnel, aux
    capacités, au savoir immense.
    Sa vie aurait pu être différente.
    A-t-il eu tort ? A-t-il eu raison ?
    A vous de juger… quand vous saurez…

    I

    Vinéa

    Vinéa, il y a plus de deux millions d’années. Deux soleils, une petite planète en orbite. Six cités, regroupant la totalité de la population de la planète. Une population qui, telle une société d’insectes, donne une fonction particulière à chacun. Et chacun a sa place, importante, pour que la société dans son ensemble fonctionne. Un grain de sable dans ces rouages bien huilés, et la machine peut avoir du mal à tourner…

    L’un des deux soleils a commencé à grossir. Le Cataclysme qui forcera la population vinéenne à l’exil est en marche. Mais il est encore loin, et peu en ont réellement conscience, à l’exception des quelques astrophysiciens que compte la planète, et qui étudient sans relâche leur univers. Même s’il est lointain, ce cataclysme leur semble inévitable. Il est temps de commencer à chercher une solution…
  • Le pont arc-en-ciel
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    La Chine du XIe siècle

    Je vous prie de garder en mémoire que j’ai écrit ce texte en n’ayant comme référence que des sites internet. Mes livres spécialisés sur ces sujets sont à environ 15 000 km de moi! Alors certains passages sont écrits de mémoire. Aussi, je n’ai que l’album La Jonque Céleste avec moi, ce qui explique que je ne fais pas de référence à La Pagode des Brumes.

    La Chine au XIe Siècle

    Text Box:

    Avec les albums 21 et 22, nous retrouvons Yoko dans le Sud de la Chine au tournant du 11e siècle. À cette époque, la Chine est sous la gouverne de la dynastie Song du Nord ( 北宋 , Bei Song ou PeiSung selon l’ancienne écriture romanisée du Chinois.) Cette dynastie a gardé le contrôle du pays de 960 à 1127 et jusqu’en 1279 sous le nom de Song du Sud. À noter que cette dynastie est chinoise (à l’opposé des Yuans, des Mongoles, et des Qings, des Manchous.) Les dynasties chinoises sont caractérisées par un fort développement culturel et économique du pays. L’empereur au moment où se déroule notre aventure est Zhen Zong ( 真宗 ou Tchen Tsong.) Celui-ci fut empereur de 998 à 1023. 1021, l’année où se déroule La Jonque Céleste, est donc vers la fin de son règne. Puisque peu d’informations sont disponibles sur sa vie, il semble n’avoir été qu’un empereur mineur, ne faisant que poursuivre les réformes de ses prédécesseurs. Celles-ci portant sur la centralisation du pouvoir vers la capitale de l’époque, Bianjing (aujourd’hui Kaifeng), et le développement des villes non plus seulement en centres administratifs, mais également en centres économiques et culturels1. Contrairement à ce qui est dit dans l’album, il ne semble pas avoir eu le désir de déplacer la capitale vers le sud. Ce n’est que 100 ans plus tard, alors que les barbares du Nord ont envahi le pays que la cour Song se vit forcer de déplacer la capitale vers le sud, à Hangzhou.

    Le Hall de la Mère Sacrée, construit entre 1023 et 1032.

    Côté architecture, c’est le début du retour vers la sobriété après les excès de l’époque des Tang ( , 618-907). Ce retour s’étendra jusqu’à la dernière dynastie, les Qing ( , 1644-1911). Sous les Song, les extrémités des toits continuent de se relever2,mais les fioritures colorées de la charpente des toits se font plus modestes.Les structures se font aussi moins massives. Les couvertures sont faites de tuiles arrondies en céramique, afin de reproduire les branches de bambou comme cela se faisait plusieurs siècles plus tôt. Naturellement, les corps des bâtiments sont peints en rouge, couleur de l’espoir en Chine, et ce, quelle que soit la dynastie. Ces deux derniers points, les toitures de tuiles et lacouleur rouge, ne sont pas, cependant, des innovations de l’époque Song.

    Entrée d’un temple bouddhiste de l’époque Song

    Entrée d’un temple bouddhiste de l’époque Song.

    En regardant les constructions de la Cité Interdite qui fut construite sous les Yuan ( 1276-1368), on peut constater que les coins des toits ne remontent plus du tout et s’étendent beaucoup moins au-delà de la charpente. Les pagodes et les pavillons Song sont habituellement à base carrée, quelques-unes, toutefois, sont à base octogonale. Bien que les Song soient une dynastie chinoise, donc tournée vers la culture, leur architecture n’apporte que peu d’innovations. C’est, au mieux, le bon goût de la modestie qui prend le dessus sur les extravagances des Tang.

    Pour l’analyse de l’album, le pavillon des pages 24 à 26 serait peut-être un peu sobre pour l’époque. La structure sous le toit devrait être un peu plus lourde et probable-

     

    La Pagode de Fer, fin des Tang, début des Song.

    ment plus colorée. Pour ce qui est de la pagode des pages 27, 36 et 42, celle-ci semble être pleinement dans sont temps. Effectivement, les toits de pagode ont toujours été moins exubérants que ceux d’autres constructions. Quant aux maisons de la première vignette de la page 36 (ainsi qu’en 2ème et 3ème couverture), avec leurs pans droits et aucune fioriture, elles semblent être bien en avance sur leur temps. Pour ce dernier point, à la défense de M. Leloup, c’est un détail probablement trop fin pour pouvoir être visible dans une page de bande dessinée, d’où l’omission. En matière vestimentaire, la mode est aux vêtements longs et aux manches très amples, tant pour les hommes que pour les femmes. Les manches sont légèrement amples au niveau des épaules et s’ouvrent perpendiculairement à la ligne des épaules avant de s’allonger. Ces manches sont généralement trop longues et viennent cacher les mains. Naturellement, il s’agit ici des vêtements de la noblesse et de ceux qui les entourent. Ai-je besoin de préciser que la matière première est déjà la soie? Ces vêtements sont ceinturés à la taille pour les hommes et sous la poitrine pour les femmes. L’empereur est généralement en jaune (bien que l’exemple ci-dessous soit rouge), couleur qu’il est le seul à avoir le droit de porter.

    Vêtement de l’empereur

    Vêtement de l’empereur

    La robe de l’impératrice

    La robe de l’impératrice

    Notez la multitude de phénix sur l’image de la robe de l’impératrice. Il s’agit du 2e animal en importance en Chine; le dragon est le premier, il représente l’empereur. Encore une fois, ce n’est pas nouveau sous les Song, mais un peu culture générale ne fait de mal à personne!

    Pour les mandarins (fonctionnaires impériaux, classe de lettrés riches et influents), les vêtements sont longs aussi, mais les manches amples à l’épaule s’ouvrent droites. Ils sont généralement d’une couleur sobre et unie. Sous celui-ci, ils portent un pantalon. Chacun des rangs mandarinaux s’accompagne d’une sorte de chapeau et d’une ceinture que les plus connaisseurs peuvent reconnaître.

    Les militaires portent des vêtements particulièrement colorés et un pantalon ample. Un plastron, des cuissards et des épaulettes de métal (d’acier ou de cuivre) les protègent des lames et des flèches, mais aussi des nouvelles armes de leurs adversaires, armes dont je parlerai rapidement plus loin.

    Je dois donc avouer que je suis un peu déçu par les vêtements dans l’album 22. Tous ces personnages autour d’une épouse de l’empereur portent des vêtements à manches courtes par-dessus d‘autres vêtements à manches étroites. Je crois que c’est vraiment improbable. Le vêtement du prince Wang n’a que de très étroites manches et est plutôt sobre pour une personne de son rang. Cependant, sa coiffe est très réussie  ! Les militaires que l’on voit en page 36 portent des vêtements beaucoup trop légers. Ceux-ci devraient être plus longs et le matelassé devrait descendre au moins jusqu’au genoux. Il reste le conseillé Tch’ou ( ou Zhou selon l’écriture latinisée actuelle) qui, lui, est très bien. Comme je le mentionne sous le

    Vêtement militaire
    Autre superbe exemple. Notez la hauteur de la taille.
    Voici une image d’un mandarin qui devrait vous rappeler un certain conseillé Tch’ou.

    Vêtement militaire

    Autre superbe exemple. Notez la hauteur de la taille.

    Voici une image d’un mandarin qui devrait vous rappeler un certain conseillé Tch’ou.

    dessin un peu plus haut, on dirait presque que celui-ci a servit d’inspiration, tant pour la forme des vêtements que la barbe, les favoris et la forme du visage du personnage.

    La Chine est la mère de plusieurs grandes inventions telles le papier, la soie, la porcelaine, la poudre à canon, l’imprimerie à caractères mobiles (et non, ce n’est pas Gutenberg), le sismomètre3 et la boussole4 pour ne nommer que celles-là. Cependant, celles-ci étaient en grande majorité déjà connues à l’époque des Song. Ceux-ci ont quand même aidé ou ont profité du développement de ces inventions. Par exemple, la porcelaine translucide faite à base d’os était déjà connue sous la dynastie Tang.5 Mais il semble que c’est sous la dynastie Song que les grandes manufactures se créent.6 Celles-ci se construisent autour de différents centres, comme le fameux JingDezhen (King-te-tching), encore une référence de nos jours.

    La poudre à canon fut également développée sous les Tang, mais c’est à l’époque des Song que pour la première fois des écrits font mention de cette invention.7 L’utilisation militaire de la poudre au début de cette dynastie n’était qu’à des fins explosives (le principe de la grenade.) Avec le temps, l’idée de l’utiliser pour la propulsion d’un projectile fait son chemin. Mais, on se trouve alors au début du 12e siècle. Puisque l’armée Song utilisait la poudre, elle en connaissait les effets. Les militaires portaient donc des vêtements en conséquence.

    C’est bien à Bi Sheng ( 毕升 , ?-1051) quel’on doit l’imprimerie à caractères mobiles. L’imprimerie en Chine avait déjà une longue histoire à l’époque des Song. Déjà sous les Han ( 汉, 207 av. J.C.- 221 de notre ère) le principe de reproduction d’un document par frottis était courant. On gravait dans une stèle le document, puis on appliquait un papier sur la stèle. En frottant, probablement à l’aide d’un fusain, sur le papier, on obtenait la reproduction du document (comme le fait Indiana Jones alors qu’il est à la recherche du saint Graal.) Certaines de ces stèles sont encore visibles dans l’ancienne capitale de l’Empire du Centre, Xi’an. Chez les Song, le principe avait évolué, mais une étape manquait toujours. Bi Sheng,ayant appris les difficultés du métier de graveur pour imprimerie où il devait passer de longues heures à graver chacune des pages dans son intégralité, mit au point le système d’imprimerie à caractères mobiles. Pour former ses caractères, il utilisa la terre cuite.8
    En philosophie/théologie, les 3 grandes lignes de pensée (confucianisme, bouddhisme et taoïsme) sont déjà bien établies depuis longtemps. Je mets ensemble philo et théologie puisqu’il en est ainsi en Chine. Effectivement, les Chinois ont élevé des temples pour KongFu Zi ( 孔夫子 ou Confucius, de son nom latin, le philosophe bien connu,551-479 avant JC9), où il est prié comme un dieu. De plus, il y a quelques années, à la question : «De quelle religion êtes-vous? », plusieurs Chinois répondaient : «Communiste! » Ce qui vous montre bien la conception qu’ont les Chinois de la religion… ou de la philosophie.
    Chez les Song, le confucianisme, un système social en vigueur depuis plus de 1000 ans10, reçoit quelques modifications, on parle désormais du néo-confucianisme11. Ce nouveau système survivra jusqu’au XXe siècle. C’est un philosophe du nom de Zhu Xi ( 朱熹 , Chu Hsi, 1130-1200) qui vient remettre cette philosophie au goût du jour. Il y intégrera des influences taoïstes et bouddhistes.

    Également à cette époque, des modifications sont faites afin de rendre les postes mandarinaux accessibles au plus grand nombre. La philosophie originale se voulant très hiérarchique, cette nouvelle approche ouvre la porte à un certain mélange des classes. Les postes s’obtenant par concours (basé sur la connaissance et la capacité à réciter par cœur les grands classiques, tel Confucius), seule la classe aristocratique avait accès à une éducation suffisante pour pouvoir réussir ces examens. Suite à ces modifications, des collèges et universités sont créés, rendant cet enseignement accessible à d’autres classes.

    De son côté, le bouddhisme reprend vie. Chez les Tang, et plus précisément en 845, le bouddhisme est fortement persécuté12. Les riches marchands voulant éviter une trop grande taxation de leurs richesses, préfèrent en faire don aux temples locaux qui, eux, sont exempts de taxes. Pour cela, les temples et leurs moines seront accusés d’insoumission à l’empereur. Ils seront chassés et défroqués. Mais une branche du bouddhisme parvient à survivre et s’impose aux XIe siècle, les Chan (qui deviendra le Zen au Japon.) Cette branche préconise le détachement du corps et de l’esprit. Elle met l’emphase sur la méditation13.

    Les taoïstes, eux, jouissent de la protection impériale. C’est une époque de grand développement. Le clergé taoïste, tant du côté des hommes que des femmes, se hiérarchise. Il s’approprie les dieux locaux à qui il attribue également une hiérarchie14.

    En art, la période Song est des plus riches de l’histoire de la Chine. Cependant, comme dans tous les autres domaines, fort peu innovatrice. Je voulais surtout attirer l’attention sur la QingMingShangHeTu ( 清明上河图 ) une peinture dont l’originale date de l’époque Song. Peinte par Zhang Zeduan, ( 张择端 , actif15 de 1111-1126 env.)16 un peintre à la cour impériale, elle représente la capitale, Bianjing (aujourd’hui Kaifeng), à cette époque. L’original fait 25,5cm par 525 cm. Elle fut reprise plusieurs fois. La plus célèbre d’entre-elles est probablement celle qui fut faite à l’époque des Qing (1644-1911), sous QianLong ( 乾隆 , 1711-1799, empereur de 1736 à 1796), l’empereur qui dirigea la Chine alors qu’elle était la nation la plus développée au monde. L’original, conservé à la Cité Interdite, est fort endommagé, alors que la reproduction de l’époque Qing, conservée à Taiwan, est en excellent état. Cette toile à plusieurs centaines de personnages qui ont tous un visage différent, d’où la réputation de l’œuvre. La section du pont qui apparaît aux environs du ¾ de la peinture vers la droite, est particulièrement célèbre. Je me permets de croire qu’elle a servi d’inspiration pour la Pagode des Brumes. Cette peinture est également merveilleuse pour voir et comprendre l’architecture et les habitudes de vie de l’époque.

     


    La « section du pont »

    Ce qui me semble être très ressemblant. Notez la forme des parasols, la structure du pont et le nombre de montant de celui-ci, même les ânes qui portent des sacs étaient sur la toile originale.

    Un dernier point, Marco Polo est venu en Chine au temps des Yuan ( , 1276-1368). Il rencontra le Grand Khan, Kublai Khan pour la première fois en mai 127517. Certes, il n’était pas le premier blanc à mettre les pieds en Chine. Déjà au temps des Tang, leur capitale, Chang’an (aujourd’hui Xi’an, là où sont les soldats de terre cuite) était fréquentée par des gens de tous les coins d’Europe, d’Asie et probablement aussi d’Afrique. Mais il s’agit là de la capitale, bien au centre de cet Empire du Milieu. Guilin, cependant, est dans le Sud-Ouest de la Chine. À l’époque des Song, elle ne devait sûrement pas être très fréquentée par les gens à la peau blanche. Aujourd’hui encore, à moins de 200 km de la capitale, dans une grande ville comme Tianjin, les gens à la peau blanche provoquent la surprise. J’image la situation il y a de cela 1000 ans! Je suis surpris du peu d’attention qu’ont Pol et Vic dans La Jonque Céleste. Pol, comme on le connaît, devrait être aux anges de voir toute l’attention dont il peut faire l’objet. Mais là, je fais vraiment dans le détail…

     

    Si vous avez des questions, n’hésitez pas. Il me fera plaisir d’essayer d’y répondre.

    Par Sopid avec la précieuse aide de Jasmine (surtout pour la lecture des sites web en Chinois!)

    Gros merci à Gobol pour la précieuse correction!

    Source des images :

    Temples Song et Pagode de Fer

    Hall de la Mère Sacrée

    Tous les vêtements

    La « section du pont »

    Autres sources :

    http://www.orientalarchitecture.com/suzhou/mysteryindex.htm

    http://www.farworldart.com/html/chinese-history.htm

    http://www.memo.fr/article.asp?ID=MOY_CHI_004#Som0

    Sur le Bouddhisme au Japon :

    http://www.zen-occidental.net/articles2/dogen1.html

    Notes :

    [1]http://www-chaos.umd.edu/history/imperial2.html#song
    [2]http://www.memo.fr/Som0
    [3]http://www.ac-nice.fr/svt/aster/reso/bull/bulletin/2001.04.bull08.sdtf/2001.04.SDTFBULL.htm
    [4]http://www.chez.com/scoutmestre/techniques/orientation/boussole_1.html et http://www.gcbbw.org/Carto/cretnord.htm
    [5]http://www.maisonporcelaine.com/us/history/
    [6] http://www.oldandsold.com/articles15/oriental-art-5.shtml
    [7] http://www.basicrps.com/chine/histoire/armes_feu-sino.html
    [8] http://www.hb.xinhuanet.com/people/2004-03/25/content_1848424.htm
    [9] http://pythacli.chez.tiscali.fr/civilisations/chine.htm
    [10] http://fr.wikipedia.org/wiki/Confucianisme
    [11] voir note 2
    [12] http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/Le_bouddhisme_en_Chine.asp
    [13] Idem.
    [14] http://www.onelittleangel.com/sagesse/art/religieux.asp?mc=30
    [15] Les seules informations que nous avons sur lui, sont les inscriptions à l’extrémité de la toile.
    [16] http://www.paris.fr/musees/cernuschi/collections/chine/peinture_chinoise/oeuvre_4.htm
    [17] http://www.silk-road.com/artl/marcopolo.shtml

     

  • Carnet de Voyages
    Les articles des fans

    Carnet de voyages

    Voilà, lorsque j’étais en seconde ( 2000-2001) , la prof d’arts plastiques nous a donné le sujet suivant : ‘ Mon Héros/ Mon Héroïne ‘ .
    Evidemment, j’ai choisi Yoko ( ^ ^), et j’ai réalisé son carnet de voyages. J’ai scanné les pages le plus intéressantes ( à peu près).
    Page1 - Carnet de voyage
  • Les articles des fans

    Là où commence la fiction

    Texte et photos: Thamasit
    « Pour l’Astrologue de Bruges, je n’étais seulement qu’à une heure de voiture. » disait Roger Leloup. Même si vous êtes à douze heures comme moi, n’hésitez pas, quitte à faire le trajet en deux ou trois fois, partez donc sur les traces de Yoko à travers le vingtième album. La précision de la bande dessinée nous permet en effet de parcourir les trajets qu’a faits Yoko sans aucune erreur possible. Non seulement dans le présent mais aussi lors de son voyage dans le passé.

    Là où commence la fiction.

    Parallèlement au récit, Leloup nous fait découvrir la Venise du nord à défaut de celle du sud qu’il avait choisie initialement. Et dresse en arrière plan, les décors les plus beaux de la ville. Dans l’histoire, à mesure que le mystère s’épaissit, les lieux sont progressivement plus difficiles à découvrir. Cette ville y apparaît sur deux plans : l’un, les lieux habituels, davantage touristiques et l’autre les quartiers, les ruelles, les canaux les plus mystérieux de Brugge où il faut pratiquement montrer patte blanche pour y pénétrer. Et ce sont dans ces endroits où l’on pourrait rencontrer Jos, Karel, Hilde et Anna, van Laet, le marquis de Torcello (Torcello, curieux rapport avec Venise). Van Laet a disparu avec ses meubles et ses tableaux, et le marquis s’est désintégré dans le jardin de monsieur Jos .

    Quant à Hilde et Anna, peut être ont-elles réellement un magasin où elles louent des vêtements de scène et Karel est-il médecin quelque part dans Bruges. Mais penchons nous plutôt sur monsieur Jos.
    Monsieur Jos
    Le plan de Marcus Gérards
    Aujourd’hui, les canaux sont moins nombreux qu’au XVIème. On peut constater cela lorsqu’on admire le plan de Marcus Gérards au musée Arenthuis dont une copie se trouve dans le restaurant « La baguette » dans la Mariastraat où on peut le regarder en mangeant son casse-croûte.
    La baguette

    Les Jardins

    Lorsque Yoko musarde en attendant vingt heures, les lieux sont assez faciles à retrouver. Ensuite elle rencontre le fameux monsieur Jos qui l’invite à voir la maison de van Laet. Si vous prenez un des nombreux bateaux touristiques de la ville, le tour ne vous emmène pas plus loin que jusqu’à ce que « le canot s’engage dans un canal latéral ».  Après il faut continuer à pied par les ruelles longeant le canal, canal qui est le moins fréquenté de Bruges mais qui est aussi le plus beau. Les façades y sont superbes, des arbres majestueux le recouvrent et un jardin public y est presque vide début août. Ce canal est long mais vaut le coup d’être suivi dès la rue gouden-handrei puisqu’il nous mène chez van Laet. Mais là un obstacle de taille surgit au pont du lion que traverse Yoko à vingt heures près de chez van Laet. En effet de chaque côté du pont de la leeuwstraat les rues ne passent pas le long du canal  et la façade d’où saute Yoko reste invisible à cause de la végétation qui engloutit à la fois les maisons et « les virus qui sont tenaces dans les canaux ».

    Le canal

    Les portes des rues parallèles au canal où devrait se situer l’entrée de la maison sont fermées vigoureusement alors…. « Alors, vous fûtes triste, un peu déçu, vous avez regagné le pont mystérieux d’où vous vous imaginiez monsieur Jos faisant sortir Yoko du canal là où elle venait de tomber. Vous avez ouvert pour la 24ème fois la bande dessinée qui ne vous avez pas quitté depuis le début du voyage. Pendant ce temps,  deux personnes discutaient, l’un tenant son scooter à la main, peut être était-ce une vespa, l’autre était sans doute le propriétaire d’un restaurant se trouvant juste après le pont, vers le centre.

    Le canal

    L’homme au scooter aperçut le Yoko entre vos mains, il vous fît signe en souriant. Vous avez engagé la conversation, le restaurateur était plus dynamique, il parlait plus, il était sceptique quant à la logique de l’enchaînement des ponts, mais vous vous savez que la bande dessinée est parfaite. L’homme au scooter s’en alla, le restaurateur vous expliqua qu’il existe encore des mystères sous Brugge, peut être le laboratoire de Balthazar. Après l’avoir salué, il partit à son tour. Alors ayant ouvert la bande dessinée, vous avez eu un grand étonnement, l’homme au scooter ressemble extraordinairement à monsieur Jos. Pourquoi ne pas l’avoir reconnu plus tôt ! Alors… » Alors, où donc s’arrête la réalité, où donc commence la fiction, Pol, Vic et Yoko, appartiennent à Roger Leloup et sont Roger Leloup, mais les autres personnages peuvent peut être exister même partiellement puisque Yoko et donc Leloup les a rencontrés.
    Mais à jouer à suivre ainsi les traces de Yoko, ne risquons nous pas de perdre la part du rêve? Comme Leloup le fait dire à son héroïne aux yeux en amande dans la Frontière de la Vie : « Vous qui savez, contentez vous de rêver. » Laissons donc à Roger Leloup le soin et la liberté de guider son amie d’enfance et conservons les merveilleux joyaux de son héroïne dont il a la bonté de nous faire le don.
    Texte et photos: Thamasit
  • À la découverte du peuple Toraja
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    À la découverte du peuple Toraja

    Texte et photos: ORESIAS
    Curieux d’architecture, Leloup a profité de l’aventure indonésienne de ses personnages (La Spirale du temps) pour nous faire découvrir ou redécouvrir le style spectaculaire
    des constructions de la population Toraja. Oresias a eu l’occasion de faire un peu plus ample connaissance avec ce peuple, et nous en dit un peu plus sur cette culture intéressante. !

     


    À LA DÉCOUVERTE DU PEUPLE TORAJA


    Village Toraja

    Le peuple Toraja est un peuple à part entière. Situé au centre-ouest de l’île de Sulawesi, le Tana Toraja (“Pays Toraja”) se situe dans les zones de moyennes montagnes, un peu moins élevées que ce que l’ont pourrait voir en venant de d’Ujung Pandang (anc. Makassar), entre Pare-Pare et Makale (début du Tana Toraja), où le paysage est splendide de par son relief découpé en dentelle avec de fortes dénivelées (les Indonésiens n’ont pas vraiment compris le principe des routes en lacets dans les montagnes…). Les Torajas ont une langue propre, un culte animiste particulier, et ethniquement, il semble qu’ils soient différents des autres Indonésiens, mêmes des autres habitants de Sulawesi.
    Maison Toraja
    Ce qui surprend en premier lieu en arrivant en Tana Toraja, ce sont les toits des habitations qui se découpent du relief. De grands toits très élancés et profilés, qui paraissent dessinés par de grands architectes contemporains. La raison de cette forme des toits reste une énigme, certains pensent qu’il s’agit de la forme d’un bateau ; les Torajas étaient autrefois un peuple de pêcheurs vivant le long des côtes de Sulawesi, peut être est-ce là une façon de se souvenir de leurs origines? D’autres pensent que ça reflète la forme des cornes de buffles.
    Ce qui est sûr, c’est que les premiers Torajas vivaient sur les côtes de Sulawesi, vivant probablement de pêche. A l’islamisation de l’Île, les Torajas, animistes, on préféré se retirer dans les terres.
    Village Toraja
    Dans un village Toraja, les maisons font face à leur réplique en plus petit. Le grand modèle sert de lieu d’habitation, tout simplement. Le petit modèle, lui, sert de grenier à riz, et de par sa fonction, est monté sur grands pilotis pour protéger les vivres des rongeurs. Il y a une symbolique très forte dans l’architecture Toraja. Les maisons Torajas (appellées Tongkonan) sont peintes avec quatre couleurs qui ont une symbolique religieuse (symbolique dans les motifs aussi); noir, rouge, jaune et blanc. blanc = paix et équilibre ; jaune = les êtres humains et le mariage ; rouge = sang, guerre et courage ; noir = mort et ténèbres.
    Les Torajas, qui ne construisaient autrefois qu’avec des matériaux naturels, ne renient pas le béton armé pour les pilotis (alors peints en marron pour donner un aspect bois, de même sur les façades et certains sarcophages en béton(!)). Les toitures sont de plus en plus souvent en tôle ondulée. Tout se perd, pourrait-on dire, mais je trouve que non, justement; ici les Torajas embrassent les techniques modernes sans renier du tout leurs traditions.
    Que la forme du toit soit très pentue n’a pas de rapport avec le climat, à ce que je crois. Les Bugis, autre ethnie vivant plus au Sud, sur la péninsule Sud-Ouest ont des maisons à toit relativement peu pentus.
    Maison en construction
    Quand le reste de l’Indonésie est musulmane, les Torajas ont intégré à leur culte animiste la religion catholique apportée au début du XXe siècle par des missionnaires qui se sont acharnés pendant des décennies avant d’arriver à les faire céder. Ce qui donne un curieux mélange entre les rites animistes et le culte catholique; églises, messes, croix sur les tombeaux Torajas, mais aussi embaumement des défunts et sacrifices rituels (que des animaux depuis le début du XXe siècle…) lors de funérailles, auxquelles j’ai pu assister (à partir du moment où on vient avec une offrande, on est bien accueillis, mais il faut bien être accroché pour voir le sacrifice d’animaux ; cochons et buffles par dizaines, voire plus). Les funérailles Torajas sont un moment de joie et de festivités, le défunt étant définitivement décédé depuis des semaines, parfois des mois auparavant. En attendant les funérailles, le corps du défunt reste parmi les vivants, dans sa maison familiale (d’où l’embaumement), et est traité comme un malade (on lui présente de la nourriture tous les jours, par exemple), jusqu’aux funérailles. Les funérailles sont très très coûteuses, car il faut rassembler toute la famille éparpillée partout dans le monde (il y a des Torajas de Hollande), et les animaux du sacrifice coûtent cher.
    Les cornes de buffles que l’ont peut admirer devant les maisons Torajas sont celles des buffles sacrifiés lors de funérailles du précédent propriétaire de la maison (ses descendants vivant dedans). Les côtés de la maison sont ornés par les mâchoires des cochons sacrifiés.
    Le mort est ensuite placé dans une tombe troglodyte. Les vieilles tombes et les vieux sarcophages sont parfois éventrés, la trappe en bois pourrissant par l’humidité quand elle n’est plus entretenue, et les ossements humains traînent par terre… Les statues de bois au dessus des tombes (les Tau-Tau) représentent les défunts, pour les montrer toujours présents parmi les vivants. Malheuresement, depuis quelques années, elles sont livrées au pillage de collectionneurs privés (ce qui relève donc d’une affligeante profanation, voire pire quand on comprend la symbolique de ces statues). Du coup, les Torajas se relèvent à tour de rôle pour surveiller leurs cimetières. Chose très étrange et émouvante, les bébés qui meurent avant la poussée des premières dents sont inhumés dans des arbres (une cavité, naturelle ou creusée dans le tronc est utilisée), de sorte que le bébé continue de grandir avec l’arbre…
    Tombes Toraja
    Les funérailles Torajas posent un problème sanitaire assez grave: les animaux sont sacrifiés par dizaines, voire une centaine si le défunt était noble et riche, toute la viande ne peut pas être consommée et est gaspillée. De plus, les animaux coûtant très cher pour les Torajas, des funérailles peuvent ruiner une famille. Le gouvernement Indonésien a donc décidé de taxer les sacrifices afin de les limiter. Alors la viande est vendue aux enchères à l’endroit même des funérailles. Une partie est bien sur consommée par les convives, et en tant qu’invité, j’en ai mangé, mais disons que… la couenne de porc grillée (la viande rouge est vendue, et les Torajas sont friands de la couenne grillée), et les os de poulets (autre curieuse spécialité Toraja qui m’a laissé sur ma faim :P), c’est pas trop mon truc, mais bon, il faut tout manger, sinon, il vont être vexés…

    Mais on pourrait encore en raconter, des choses étranges sur les Torajas. Je peux pas dire que j’y sois resté longtemps (1 semaine à Sulawesi seulement ), mais ça vaut le coup d’y rester plus longtemps. Gens très gentils, très accueillants en tout cas, et curieux de nous connaître. Si je retourne en Indonésie, sûr que je repasse à Sulawesi. Beaucoup moins touristique que Bali, on dit le pays Toraja touristique, mais les touristes, je les ai comptés sur les doigts d’une main.
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    Yamato, épilogue

    Après avoir coulé en mer de Chine le 7 avril 1945, son épave n’avait pas fait l’objet de recherche réelle jusqu’en 1982 où quelques anciens membres d’équipage du Yamato le retrouvèrent à l’aide d’un appareil photo sous-marin spécial. L’épave du Yamato ne repose que part environ 1410 pieds (430 m) de profondeur et se situe à 128°04’00 Est et 30°43’10 Nord.

    Position du Yamato

    L’épave a été vue pour la première fois grâce au sous-marin PISCES II, en août 1985.

    Voici une illustration réalisée par Janusz Skulski, (auteur de The Battleship Yamato), de l’épave telle qu’elle a été observée pendant cette mission. Un plan avait alors été élaborer pour remonter l’épave à la surface. Mais le projet a été abandonné.

    Illustration de Janusz Skulski
    La proue du Yamato

    La seconde mission date de 1999 et était franco-anglaise, avec la participation de la célèbre compagnie RMS Titanic Inc. Cette mission a ramené de nombreuses photos ainsi que quelques objets à la surface. Voici entre autre une photo de la proue du bateau.

    Suite à cette mission un diorama a été réalisé, vous pouvez remarquer que la position de l’épave est bien différente du dessin de Janusz Skulski, cela s’explique par les courants et mouvements des fonds marins (ceci est mon interprétation je n’ai pas trouvé d’explication sur le net à ce sujet).

    Le diorama

    Roger Leloup nous a dessiné en 1979 dans La fille du vent une épave en bon état, pourquoi pas ! L’illustration de Janusz Skulski de 1985 montre une épave en relativement bon état, avec encore une tourelle de 46 cm en place. Vu la dégradation subit par l’épave en 14 ans entre 1985 et 1999 on peut facilement imaginer qu’en 1978, elle était encore en très bon état. Seul Roger Leloup le savait.

    Quelques remarques :

    • Parmi les 269 survivants du Yamato, il y avait le contre-amiral Morishita Nobuei, ancien capitaine du Yamato. Le commandant, le vice-amiral Ito et le capitaine Aruga périrent, à titre posthume, Ito fut promu au grade d’amiral et Aruga de vice amiral.
    • L’aviation américaine a filmé le naufrage, le film est disponible sur internet ainsi que de nombreuses photos tirées du film.
    • Plusieurs chiffres circulent sur le nombre de victime, 3063 semble le plus probable.
    Le Yamato
  • Wuppertal
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    Wuppertal, le métro entre ciel et terre

     


    SCHWEBEBAHN WUPPERTAL
    Le chemin de fer suspendu de Wuppertal


     

    schwebebahn

    Ce chemin de fer urbain dont Roger Leloup a fait le décor d’une séquence du Feu de Wotan est l’élément principal de la desserte d’une agglomération atypique, dont la configuration a suscité l’apparition d’un moyen de transport techniquement original et spectaculaire.
    La rivière Wupper, petit affluent du Rhin au cours tortueux, a tracé dans un paysage de collines une vallée étroite. Comme la Rhur (plus au Nord), mais à bien moindre échelle, ce cours d’eau a favorisé le développement d’industries qui ont entraîné la croissance des bourgades établies le long des rives. Wuppertal (littéralement “Vallée de la Wupper”) est aujourd’hui une ville de 384 000 habitants, formée par le rassemblement de plusieurs localités, et dont le centre historique, toujours le long du fleuve, possède une forme allongée dans un relief encaissé.

    La construction en 1898

    La desserte de ce secteur été confiée à des tramways, depuis le systeme “Perambulator” en 1874 (hippomobile, à rail de guidage central à l’image des actuels trams sur pneus) jusqu’au tramway électrique conventionnel. Cependant, en raison de l’étroitesse de la vallée, défavorable à un développement des transports terrestres, la solution retenue dès 1887 fut celle d’un chemin de fer aérien insensible à l’encombrement des rues. Le projet retenu, fruit de l’imagination d’Eugen Langen, consistait à faire circuler au dessus des rues, mais surtout de la rivière elle-même, des trains suspendus. Engagée en 1898, la construction d’une ligne reliant Vohlwinkel (à l’ouest) et Oberbarmen (à l’est) s’effectua en trois phases et aboutit à l’ouverture de la ligne complète en 1903.

    La voie, longue de 13,3 km, se compose d’une structure porteuse longitudinale (tablier) en treillis, supportant deux rails de roulement – un par sens – et deux rails d’alimentation électrique parallèles aux premiers. Cette structure est soutenue par des portiques reposant sur les berges et/ou les côtés de la rue offrant son tracé au chemin de fer. Selon les générations, ces portiques ont été réalisés en treillis, en poutrelles pleines ou en tubes à section carrée ; l’assemblage fait appel à des rivets ou à la soudure pour les éléments les plus récents. Au départ de la station Vohlwinkel, la ligne assure la correspondance avec le réseau ferré national et régional assurant notamment la liaison avec la Ruhr et Cologne. Son tracé emprunte d’abord, sur les trois premiers kilomètres, la rue principale de l’agglomération ; les trains circulent au dessus des véhicules routiers à la hauteur de 8 m environ. À partir du grand carrefour Sonnborner Kreuz, la ligne rejoint le cours de la Wupper et continue au dessus de la rivière jusqu’au terminus. Les stations sont au nombre de 20, certaines présentant encore leur état d’origine, d’autres ayant été reconstruites dans des styles variés et pour le moins discutables au cours du XXe siècle.
    Wuppertal Page 17

    Les rames, composées de deux voitures chacune, circulent suspendues sous un rail de roulement unique. Chaque voiture possède deux bogies moteurs à deux roues à gorge chacun, reliés à la caisse par des suspentes métalliques asymétriques (à la façon d’un téléphérique). Le rail se trouvant sur un des côtés du tablier, les trains circulant à droite doivent être retournés à chaque terminus avant de repartir dans l’autre sens, de l’autre côté du viaduc. À cet effet, des boucles de retournement se trouvent aux extrémités de la ligne. Cette technique très particulière rend délicate la réalisation des aiguillages, qui se composent d’une lourde section mobile de voie. Pour cette raison, le schéma de la ligne est simplifié au maximum. Les stations intermédiaires ne possèdent pas de voie de garage, les manœuvres ne sont possibles qu’aux extrémités; un train en panne ne peut être dépassé et doit être poussé par le train suivant. Au terminus de Vohlwinkel se trouve, outre la boucle, le dépôt-atelier du réseau, équipé d’un ascenseur permettant de ramener un train complet au niveau du sol dans la partie du bâtiment réservée aux travaux d’entretien.
    La traction fait appel à des moteurs électriques alimentés en courant 600 V continu – tension portée ensuite à 750v – par le deuxième rail ne servant qu’à l’alimentation. La dotation d’origine se composait de 15 rames doubles construites de 1900 à 1912, d’une puissance de 100 kW. Il ne circule aujourd’hui qu’une seule de ces rames, dénommée Kaiserswagen (voiture de l’Empereur). C’est en effet à bord d’un train de ce type que Guillaume II effectua un voyage sur la ligne alors inachevée, en 1900. Une seconde génération de rames a été livrée en 1950, ce matériel est totalement retiré du service de nos jours. 28 rames construites en 1972-73 assurent aujourd’hui l’essentiel du trafic.

    Les trains peuvent circuler à 60 km/h, la vitesse étant limitée à 35 km/h en service courant ; le trajet est effectué en 35 minutes et la ligne transporte plus de 72 000 voyageurs par jour. Le vieillissement de l’infrastructure a nécessité dans les dernières décennies la réfection du viaduc et de certaines stations. La ligne n’a connu que deux accidents, en 1997 et 1999 ; le second fit cinq victimes et remit en question la pertinence du système dans le contexte actuel. En effet, la ligne est plus vulnérable qu’autrefois, par exemple en raison du poids des camions susceptibles d’ébranler la structure en heurtant les piliers. Pour assurer la pérennité de ce mode de transport original, il a été décidé de le moderniser en profondeur; à l’avenir, l’exploitation sera entièrement automatisée, de multiples systèmes de détection traqueront les causes éventuelles de déraillement, de collision ou de déformation du viaduc.

    La gestion actuelle de la ligne, et notamment ce projet de modernisation, sont un sujet assez polémique dans la région. Certains dénoncent le manque d’investissements dans les dernières années qui risquent d’occasionner des dépenses lourdes lors des prochains travaux de rénovation ; d’autres contestent la politique très peu respectueuse du caractère historique de l’installation, qui perd progressivement son cachet sans qu’un quelconque avantage esthétique n’en soit tiré, la présence de l’imposant viaduc au dessus de la Wupper étant depuis le début un sujet de discorde. Énorme pollution visuelle, le Schwebebahn offre paradoxalement un point de vue inégalable à ses voyageurs et séduit donc les visiteurs. Comme il présente aussi un indéniable intérêt historique et qu’il fait partie intégrante du paysage urbain, ses jours ne sont plus en danger. Mais il reste fort à parier qu’il n’a pas fini de faire parler de lui.

    Parmi les passagers de marque, outre l’Empereur, signalons un éléphanteau appartenant à un cirque, qui, effrayé, défonça le flanc du train et sauta dans la rivière. Il y eut heureusement plus de peur que de mal…

    Des monorails suspendus ont été testés, sans connaître d’applications durables, en France et au Japon. En Allemagne, il y a deux autres lignes utilisant cette technique : le chemin de fer de Loschwitz près de Dresde, utilisant la traction funiculaire, et le Skytrain de l’aéroport de Düsseldorf, inauguré en 2002, courte ligne reliant les différents terminaux.

    Parmi les sites consacrés à ce chemin de fer hors du commun, nous recommandons l’adresse suivante: www.schwebebahn-wtal.de.

    Les principales caractéristiques de la rame dessinée par Leloup dans l’album se trouvent dans la rubrique des engins.

    Wuppertal Page 16
    Texte et photo Hallberg
  • L'orgue du Diable
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    L’Orgue du Diable, Faits et Interrogations

    Quels indices Leloup nous laisse-t-il sur la faisabilité de son incroyable instrument ?… Une tentative d’analyse d’après les pages 36 et suivantes de l’album en question…

    L’Orgue du Diable, Faits et Interrogations


    L’orgue du Diable, instrument fantastique, gigantesque et destructeur, mais fondamentalement issu d’une technique des plus réelles, n’en finit pas de poser la question de la référence possible à une légende authentique dont se serait inspiré Leloup. En attendant que l’un d’entre nous ne trouve une réponse, quels indices l’auteur nous donne-t-il pour avoir une idée plus précise du degré de réalisme de sa créature de bois et de métal? L’orgue d’Hartmann peut-il exister? Nous ne saurions donner ici de réponses définitives; voici simplement quelques pistes, histoire de piquer la curiosité du lecteur. Ces quelques réflexions n’engagent bien entendu que leur auteur…

    Une soufflerie problématique

    Suivons Yoko dans son exploration de l’orgue. Et passons d’abord à la soufflerie (attention, la chaîne est glissante). Deux gros soufflets cunéiformes, c’est-à-dire se dépliant comme des soufflets de forge, dominent la scène. Rien d’étonnant à cela, c’est de cette façon que l’on a insufflé de l’air sous pression dans les orgues jusqu’à la fin du XIXe siècle. Soufflets actionnés non pas par des contrepoids remontés manuellement, mais par une roue à aubes en raison de leurs dimensions : une source d’énergie mécanique crédible, et en vérité la seule mobilisable à grande échelle au XVIe siècle. Rappelons qu’on construisait alors des machines d’extraction minière impliquant un haut degré de maîtrise de cette énergie. Erreur ? Clin d’œil ? La case suivante nous propose deux soufflets réservoirs du type dit “à lanterne” (c’est-à-dire rectangulaires), dont la rectitude du mouvement est contrôlée par le système de pantographe visible à droite.
    Les réservoirs
    Passons sur le principe de soufflet réservoir : intercalé entre les soufflets de la pompe et l’orgue, il emmagasine de l’air et le maintient sous pression, permettant de compenser le mouvement alternatif des soufflet principaux et les éventuelles irrégularités du débit. Ces soufflets réservoirs sont, à la fin du XVIe siècle, en train de se généraliser, et il n’est guère étonnant que ce perfectionnement ait été ajouté à un tel instrument. En revanche, pourquoi Leloup a-t-il représenté des réservoirs à lanterne, qui sont une invention du XIXe siècle, au lieu des probables réservoirs cunéiformes, moins efficaces car moins réguliers dans leur action?
    Plusieurs solutions s’offrent à nous. Leloup a pu faire une erreur que nous lui pardonnons bien volontiers. Autre hypothèse, le père d’Ingrid a commis lui-même cet anachronisme en restaurant l’orgue. Peu crédible, car dans les années 1970, la restauration de ces instruments achevait un salutaire retour à l’authenticité après une première moitié du XXe siècle caractérisée par de nombreuses modernisations parfois destructrices pour des instruments ayant traversé les âges… Dernière hypothèse, la plus poétique et par conséquent celle que nous aimerions pouvoir retenir : Hartmann, le facteur d’orgue maudit de l’album, aurait inventé le soufflet à lanterne trois cent ans avant tout le monde. Un joli et discret petit clin d’œil de la part de Leloup, sur ce que l’on aurait peut-être gagné à écouter les artistes maudits…

    Admirons la bête…

    L’Orgue du Diable est effectivement un monstre. Par la taille, comme le suggère Yoko, mais aussi par les proportions. Le positif de dos, la partie de l’orgue la plus en avant (ainsi nommée parce qu’elle correspondait à l’origine à l’ajout d’un petit orgue, le positif – celui qu’on peut poser, donc transportable – et placé dans le dos de l’organiste), est de taille normale, mais le buffet du grand orgue l’écrase complètement. Déséquilibre esthétique criant quant à l’apparence normale d’un orgue, correspondant probablement à un déséquilibre sonore – on imagine pas le petit positif dialoguer avec le géant qu’il côtoie… Leloup accentue par ces proportions invraisemblables l’impression de malaise déjà appuyée par le cadrage. Un monstre, donc, à tous points de vue. Notons les deux niveaux de tuyaux en montre (c’est-à-dire “montrés” en façade) et l’arrière bien rempli de petits tuyaux visibles dans le haut du buffet.
    L'orgue
    Le buffet
    Le “récit” (partie supérieure du grand orgue) est bien fourni et sa position (à la verticale des jeux principaux) correspond à la tradition de la facture allemande privilégiant les différences de hauteur et la superposition de plusieurs niveaux – alors que l’orgue français, par exemple, les place de l’avant vers l’arrière. Ce qui est moins vraisemblable, c’est en revanche la position centrale des plus gros tuyaux; on y gagne en esthétique, certes, mais les facteurs allemands avaient coutume de disposer les sons les plus graves sur les côtés. or, sur les côtés justement, hormis la montre, les gros tuyaux ne se bousculent pas.
    La console (le poste de pilotage de l’orgue) est du type “en fenêtre” traditionnel, et comporte quatre claviers de quatre octaves chacun, ce qui est confortable, mais pas encore monstrueux (on ira jusqu’à six claviers au XIXe). Au vu du nombre de tirants, on y repère finalement assez peu de jeux. J’en compte 28 – en supposant une disposition symétrique, ce qui ne correspond pas non-plus à un monstre. Enfin, un pédalier visiblement assez étendu, cas assez peu répandu au XVIe siècle. Bref, l’Orgue du Diable est une énigme tant sur le papier qu’au physique.
    Le pedalier

     

    Mais voici ce qui m’intrigue le plus :
    Les gros tuyaux
    Rappelons d’abord les notions de base : la hauteur d’un tuyau est ordinairement donnée en pieds, mesure ancienne correspondant à 32 cm environ. On désigne d’ailleurs les jeux en fonction de la taille du plus grand tuyau qu’ils comportent, le plus grave. Un jeu dit de 8 pieds comporte donc un tuyau de huit pieds proprement dit et un certain nombre de tuyaux plus courts. Mais si l’on bouche le sommet d’un tuyau, il sonne une octave en dessous, de la même façon qu’un tuyau qui ferait le double de longueur. par conséquent, il est fréquent que les tuyaux les plus graves ne soient pas forcément monumentaux. De plus, pour des raisons d’économie, d’entretien et de facilité de fabrication, les plus gros tuyaux sont le plus souvent construits en bois, de section carrée. Ces indications valent surtout pour les jeux à bouche, où le son est produit par un biseau comme dans une flûte à bec; pour les jeux à anches, fonctionnant comme peu ou prou comme des hautbois ou des clarinettes, la longueur du tuyau est moins déterminante.
    Les plus gros tuyaux régulièrement utilisés sur les très grands instruments mesurent 32 pieds. Quand ils ne sont pas exécutés sous forme de tuyaux bouchés, ce sont de belles bêtes de dix mètres de haut… Montés en montre, ils donnent un aspect monumental. Les plus longs tuyaux connus sont des 64 pieds, soit vingt mètres; quoique votre serviteur ignore si ces derniers n’étaient pas en fait des 32 pieds bouchés (sonnant donc comme 64 pieds…). Des 64 pieds d’une extrême rareté, faut-il préciser. Quoiqu’il en soit, après estimation rapide, le gros tuyau du jardin d’Ingrid n’a pas l’air de dépasser cette mesure.
    La pièce maîtresse de l’Orgue du Diable serait-t-elle donc un “ordinaire” 64 pieds, gros tuyau à bouche exécuté en cuivre ou plus vraisemblablement en alliage cuivre et plomb, en admettant qu’un artisan ait eu le courage de s’attaquer à sa fabrication? Encore une fois, ce sont les proportions qui tournent à la monstruosité car son diamètre, à vue d’œil, est plus qu’imposant – style canalisation, comme dit Yoko (p.14), et à vrai-dire assez improbable (quel débit faudrait-il pour remplir d’air un tel volume?). La largeur de la bouche et le diamètre du tube garantissent un son puissant. Son ou infra-son, cela reste à discuter, car les notes les plus graves d’un jeu de 32 pieds sont à la limite de l’audible.
    Le tuyau !
    L’oreille peut percevoir la lenteur des ondulations, et la vibration est ressentie plus ou moins consciemment par tout le corps. Un 64 pieds donne l’octave inférieure, donc la moitié de la fréquence. Peu probable, donc, que le gros tuyau de l’orgue du Diable puisse produire, tant aux oreilles d’Ingrid et Yoko dans leur cage, qu’à celles de Karl, en bas, un son audible. Une fois percé à mi-hauteur, l’hypothétique 64 pieds sonne comme un ordinaire 32 pieds, un peu plus audible, mais pas tellement… Reste que le dessin de Leloup est souverain : les tuyaux apparaissent dans toute leur splendeur, mis en valeur par la discrétion du buffet. Si les gros tuyaux de la montre situés aux endroits où le buffet est le moins haut, entre les très gros du centre et des côtés, appartiennent à un jeu de 32 pieds, cela donne une idée de la taille qu’aurait un (grand) orgue ordinaire à côté du monstre.
    Bref, si les tuyaux de 64 pieds existent, alors l’Orgue du Diable existe aussi. Les orgues tueurs, à notre connaissance, n’existent a priori pas encore… Bref, l’orgue extraordinaire de Leloup : vision poétique certainement, machine à rêves (plutôt à cauchemars) assurément…
    Le tuyau central