Circus N°29
Yoko dans les médias

L’entretien du mois: Roger Leloup

Voici une interview de Jean Leturgie parue dans la revue Circus N° 29 du 29 juillet 1980, lors de la parution de La Lumière d’Ixo. Merci à Renaud.
Circus Magazine
Jean Leturgie
L’ENTRETIEN DU MOIS: ROGER LELOUP
Quand on aborde une aventure de Yoko Tsuno, on est immédiatement frappé par la qualité d’imagination qui s’en dégage. Conteur né, Leloup excelle i bâtir une atmosphère. II est autant à l’aise dans l’évocation des mystères du passé que lorsqu’il s’attache à décrire un futur dont la technicité raffinée n’est pas sans funestes prolongements.
Cette vive imagination est complétée par un sens très aigu de la construction du récit. Etre clair et simple est une des principales exigences de Leloup narrateur. D’où son goût affirmé pour les trames strictes et linéaires, dont la fantaisie n’est cependant jamais absente, on le sait !
L’une des grandes forces de Leloup a toujours été de ne jamais se contenter du simple développement d’aventures passionnantes, mais de réussir à y introduire a chaque page, un large esprit de compréhension et d’humanité.
Formé à l’école réaliste d’Hergé, grand admirateur d’Edgar P. Jacobs, Leloup a retenu de ses illustres prédécesseurs le souci du détail et le goût de la documentation. Avant de commencer l’élaboration d’un album, il prend le maximum de renseignements sur le sujet qu’il va aborder: il se procure des ouvrages sur la question, consulte des spécialistes, assemble des photographies.
Il procède lui-même au découpage, au croquis, à la mise au net et même au lettrage, avec une précision et une conscience qui font de chacune de ses planches un véritable joyau. Son dessin est net, précis, sans bavures et, en même temps, plein de vie et de mouvement.
Une planche complète lui prend six jours de labeur. Et il répète volontiers, à ce propos, sa formule personnelle. Pour réussir une BD, dit-il, il faut “20% d’inspiration et 80 % de transpiration “. C’est tout !
Roger Leloup, vous avez débuté dans la bande dessinée en collaborant aux studios Hergé. Comment y êtes-vous entré?
J’étais à l’époque étudiant à Saint-Luc – école d’arts ? et il s’est trouvé qu’à quelques pas de chez mes parents habitait un monsieur nommé Jacques Martin, l’auteur d’Alix. Mon père tenait une boutique qui était à la fois : parfumerie, tabac et salon de coiffure, et Jacques Martin s’y fournissait en “after shave”. Il lui a demandé s’il ne cherchait pas un collaborateur pour les vacances. C’est ainsi qu’un jour, Jacques Martin m’a donné une mise en couleurs d’Alix à faire. Je l’ai exécutée et par la suite il m’a demandé de travailler pour lui. Je faisais donc les couleurs d’Alix et en même temps nous réalisions l’histoire de l’aviation avec le personnage de Tintin. Cette collection qui comprenait différents thèmes n’a pas eu beaucoup de succès, car les volumes n’étaient envoyés que contre timbres “Tintin”. Dans cette histoire de l’aviation, je dessinais les avions ; j’ai une passion pour l’aviation, passion qui m’a poussé à faire des études graphiques approfondies dans ce domaine. Nous envoyions nos planches par la poste et, un jour, Hergé a pensé qu’il serait plus simple de réunir en un seul endroit les gens qui travaillaient pour lui. C’est ainsi que je me suis trouvé engagé aux studios Hergé.
Vos débuts de collaboration à la série “Tintin” se situent à quel moment ?
Aux environs de 1953, Les studios Hergé se situaient à l’époque au-dessus de la loterie coloniale. Je travaillais toujours pour Jacques Martin et, parallèlement, j’ai fait mon premier travail pour Hergé. 11 s’agissait de la gare de Genève. Dans “L’affaire Tournesol”, premier travail, première erreur, car j’ai dessiné un toit vitré qui dans la réalité n’existe pas. Par la suite, j’ai réalisé surtout la partie technique des décors de Tintin, c’est-à-dire voitures, avions, etc., car Hergé voulait un spécialiste pour ce genre de travail, J’ai d’ailleurs eu le plaisir de collaborer
à la nouvelle version de “L’Ile Noire”. Je dis plaisir, parce que “L’Ile Noire” fut le premier album de bande dessinée de mon enfance. J’ai également conçu l’avion du milliardaire dans “Vol 714 pour Sydney “. J’en ai fait une maquette qu’Hergé conserve chez lui. J’étais également chargé du lettrage des albums, d’une partie des dessins publicitaires…
Pourquoi avoir décidé de voler de vos propres ailes et qui plus est dans une maison concurrente à celle de Tintin ?
J’ai réalisé que je travaillais sans être connu puisque sous le nom d’un autre et que, bien qu’étant largement rétribué pour mon travail, il serait peut-être souhaitable que je songe à assurer ma propre série. J’ai donc décidé de travailler sous mon nom. A ce moment j’ai eu la chance de rencontrer Francis Bertrand. Il m’a proposé de collaborer aux productions Peyo, et j’ai repris la série “Jacky et Célestin”. Mais l’envie de créer mes propres personnages me tenait. Je dois dire qu’à ce moment, l’équipe de chez Spirou m’a particulièrement aidé. J’avais la garantie, si mon histoire ne marchait pas, de continuer à faire des pages de Schtroumpfs et de reprendre Gil Jourdan que Tillieux n’avait plus le temps de dessiner. Maurice Tillieux a d’ailleurs insisté auprès de Monsieur Dupuis pour qu’il m’engage en lui disant : “Si vous ne le prenez pas, il ira ailleurs”. En fait, j’avais proposé une histoire au Lombard que Greg avait refusée car elle faisait trop “Peyo”… Cette histoire ? Niki et Sosthème ? paraîtra peut-être un jour dans Spirou. Elle est entièrement inédite et mettait en valeur les ancêtres de “Jacky et Célestin”.
Yoko Tsuno n’a pas été conçue directement pour Spirou?
Il s’est passé la chose suivante. Les Editions Dupuis voulaient faire paraître une histoire simultanément dans Spirou et dans le journal allemand Eltern. On m’a demandé de dessiner dix pages du scénario “Le trio
tmpF2-1.jpg
tmpF2-1.jpg
Circus N°29 – Page 15

Pages : 1 2 3

C'est Moi

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *