Yoko dans les médias

Solaris

Voici une interview parue dans la revue québécoise Solaris (http://www.revue-solaris.com) dans les numéros 46 (août 1982) et 48 (février 1983). Cette interview est réalisée par Luc Pomerleau, qui tenait aussi la chronique BD (“Le Bédéraste”) de la revue. 
 
Tout nos remerciements à Richard Gendron qui nous à envoyé l’article.

Issu des studios de Jacques Martin et de Hergé, Roger Leloup a réussi avec sa première série à captiver l’intérêt d’un grand nombre de lecteurs. YOKO TSUNO est l’une des bandes les plus populaires de SPIROU et trouve ses adeptes parmi les lecteurs de tous âges.

Bande dont le dessin classique fascine les uns et irrite les autres, Yoko Tsuno est chère au coeur de l’auteur. Ses déclarations dans l’entrevue qui suit permettent de mieux le connaître et, par là, de mieux comprendre Yoko, qu’on devine très près de lui; il insiste pour dire qu’elle est la grande soeur qu’il n’a jamais eue.
Nous l’avons rencontré à Québec. Nous avons commencé par aborder ses débuts dans la bande dessinée, qui sont encore peu documentés pour la plupart des lecteurs.

 


entrevue:
Roger
Leloup

Roger Leloup

 
 
 
 
Roger Leloup, vous avez commencé dans la bande dessinée comme assistant de Jacques Martin. Pourriez-vous nous donner quelques détails à propos de cet apprentissage?
J’étais dans une école qui s’appelle Saint-Luc; j’habite un petit patelin qui s’appelle Verviers, à l’est de la Belgique près de l’Allemagne, et j’allais à l’école dans une grande ville. Je me destinais à la publicité, au fond. Et pendant mes vacances, après 3 ans d’études à Saint-Luc, Jacques Martin habitait plus bas que chez moi. On a discuté assez longtemps, surtout qu’il est très loquace, et il a mentionné qu’il cherchait un assistant pendant les vacances. Et bon, j’ai cherché un assistant pour Jacques Martin, je n’en ai pas trouvé, et un jour je me suis dit “je vais lui offrir de faire ses coloriages pour voir ce que ça donne”. Quand il a vu les coloriages, il m’a proposé d’aller chez lui, ce que j’ai fait.
J’ai commencé d’abord à colorier les histoires d’Alix; c’était dans LE SPHINX D’OR, c’est déjà loin! Puis j’ai poursuivi dans la série des chromos VOIR ET SAVOIR que l’on distribuait avec des Points Tintin; ces chromos ont ensuite été imprimés en albums je crois dernièrement (Aux éditions Septimus, sous les titres de L’HISTOIRE DE L’AEROSTATION, L’HISTOIRE DE L’AUTOMOBILE, etc., sous la signature de Hergé. NDLR.) Je dessinais donc les voitures et les avions, Martin les repassait à l’encre. Plus tard, je les ai repassés à l’encre aussi, mais à ce moment-là il le faisait lui-même et les envoyait à Hergé qui mettait à côté un petit Tintin en costume d’époque. Un jour, Hergé a trouvé ça complètement ridicule qu’il y ait un studio qui se trouve à des kilomètres de chez lui; les dessins risquaient de se perdre, de s’abimer. Alors il a réuni tout le monde dans son studio de la rue Louise à Bruxelles. C’est comme ça que je me suis retrouvé chez Hergé, un rêve magnifique à l’époque.
Qu’y faisiez-vous ? Les machines ? Les décors ?
Pas tellement les décors; surtout ce qui était de la technique, tout en continuant les décors de Jacques Martin et ses coloriages. J’ai commencé les décors dans LA GRIFFE NOIRE, jusqu’à la première case de IORIX LE GRAND que j’ai faite au crayon, après quoi je suis parti.
Chez Hergé, à partir de quel album avez-vous travaillé ?
Hergé m’a testé pour mon premier décor, c’était la gare de Nyon dans L’AFFAIRE TOURNESOL. C’était assez amusant parce que je me suis tapé un hall vitré et la gare de Nyon n’a pas de toit vitré au-dessus. On aurait pu aller faire des photos…
J’ai commencé là-dedans et puis, c’est difficile à expliquer ce que j’ai fait …ça passe par les petites chaises roulantes du Capitaine Haddock dans LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE…II y a une chose que je raconte souvent parce que c’est très typique. Quand j’était petit j’avais des problèmes avec mon foie; c’était la guerre et ma mère pour me consoler m’offrait de la littérature. Elle m’a offert mes premiers livres de BD, Quick et Flupke, et L’ILE NOIRE.
La première version ?
Oui. Et j’ai joué aux avions de l’Ile Noire dans mes couvertures. Devenu adulte, Hergé m’a confié le soin de redessiner les avions de la nouvelle version de L’ILE NOIRE (1965). Donc, sans le savoir, il réalisait mes rêves d’enfant. Les deux versions de L’ILE NOIRE sont fidèles l’une à l’autre; je me suis attaché à ne pas trahir mes rêves d’enfant.
Peu après, Hergé a offert à mon fils L’ILE NOIRE et j’ai trouvé plus tard mon fils qui jouait aux avions de L’ILE NOIRE. Donc, une génération avait passé… l’art de ne pas vieillir…
Grâce à Hergé.
Grâce à lui, qui est resté étonnamment jeune.
A quel moment avez-vous décidé de partir en solo ?
Il y a un problème qui s’est créé vers la fin de mon séjour chez Hergé. C’est que j’ai travaillé pour Jacques Martin, j’ai travaillé pour Hergé, mais jamais sous mon nom. Alors il y avait des problèmes, il ne faut pas le cacher; il y avait Hergé avec sa grande gentillesse et une certaine lâcheté quand même. Je travaillais pour Martin, et Hergé m’apportait un dessin pour lui et il me disait “Vous le faites tout de suite, c’est urgent”. Alors je mettais de côté la page de Martin, qui était urgente aussi. Ils n’ont jamais eu


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C'est Moi

8 commentaires

  • Cherrydean

    Ça doit être assomant de faire une entrevue comme celle-là smiley.

    Bien heureuse que le charme de l’archange n’ait pas été plus fort que ça sur Yoko, je n’aurais pas apprécié autant ce volume.

    C’est drôle de lire ça des années plus tard (en 82, je n’avais qu’un an). On voit que M. Leloup a changé d’idées parfois avec le temps, comme de ne pas refaire un personnage comme Monya, à cause de son âge. Emilia a le même âge.

  • petrushka

    Hé! oui, Cherrydean on change parfois avec le temps et les ans qui passent… Roger a vu grandir ses petits enfants…Et moi, pouf! je suis là!… Mais pas pour vieillir Yoko mais l’emmener un rien dans mes dialogues plus effrontés et apporter parfois plus de piment à ses réponses. N’oubliez pas que j’étais une héroïne qui devait jouer en solo à une époque différante… J’ai réussi à ce que Roger ne puisse plus se passer de me faire vivre et à ce qu’il me fasse partager l’aventure avec Yoko..; Mais je ne lui volerai pas la vedette… Promis!…

    Quant à l’interview… Bigre!… Elle avait duré une demi journée et le journaliste (très au courant) a tout repris de ce qu’il avait enregistré… Vous avez de quoi lire… et juger! C’est très fidèle!

    Bises à tout le monde
    Emilia

  • yoko452

    []

        [surlign]C’est vrai que cet interview est très longue! Mais on y apprend beaucoup de chose, seulement au début ce qui m’énerve un peu c’est qu’il parle beaucoup de sa collaboration avec Hergé et de ses dessin dans TinTin ! J’aime bien TITIN mais je préfère mieux Yoko et quand on lit un interview sur Roger Leloup, on a envie qu’il nous parle de sa propre BD! ( du moins c’est ce que je pense!!!)…
        Il dit aussi qu’il a fait évolué les dessins des personnages au fil des BD, c’est ce que j’avais aussi remarqué et je me demendai justement pourquoi cela ? Maintenant je suis contente d’avoir trouver la réponse, il est vrai que je n’aimais pas trop le côté caricatural de YOko et des autres personnages, ce n’était pas réel, trop comique comme le dit Roger Leloup et il est vrai que Yoko et ses histoires ne sont pas dans l’univers comique, c’est plutôt sérieux, on le voit bien avec les décors qui sont hyper réalistes, les engins, les chateau
        , etc…
        [/surlign]

      [/taille]smiley

    • Gobol

      Je suis très heureuse d’avoir pu lire cette interview… effectivement très longue, mais très dense aussi, avec beaucoup d’informations fort intéressantes ! J’ai été surprise qu’Ulysse 31 y soit mentionné. Je n’avais jamais fait le rapprochement, et pour bien connaître cette série de SF, à part la petite Thémis à la peau bleue et au transmetteur de pensée qui ressemble effectivement beaucoup à Poky (sauf les cheveux, qu’elle a blancs et courts), je ne vois pas tant de points communs que ça avec l’univers Vinéen créé par Roger Leloup… Peut-être suis-je trop attachée à ce dessin animé ? J’avoue que j’ai une affection particulière pour cette série, et que Noémi aime beaucoup aussi… S’il y a plagiat en ce qui concerne Thémis, c’est vrai que ce n’est pas très honnête, effectivement… Mais en ce qui concerne l’environnement, le monde créé par Roger est bien plus “fouillé”, bien plus travaillé que ceux qu’on rencontre dans Ulysse, qui ne fait que “passer” dans ces différents mondes, la plupart du temps. Je crois que Roger faisait aussi cette remarque à propos de l’architecture de la ville de Shyrâ, et j’avoue que je n’ai pas retrouvé vraiment d’équivalent dans Ulysse 31 (mais peut-être ne suis-je pas assez critique ?). Allez, une fois de plus, c’est trop long pour un commentaire… alors que le problème que je soulève n’apparaît que sur une toute petite partie de cette interview… Désolée !

    • Hallberg

      Travail bien fait où le journaliste ne pousse pas, comme c’est trop souvent le cas, la personne interroger à aller trop vite et à schématiser, et où il ne cherche pas à le mettre mal à l’aise pour lui tirer les vers du nez.

      Je suis souvent critique par rapport au journalisme et en particulier à l’exercice forcé de l’interview, mais je trouve que la façon de faire, ici, est exemplaire.

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      (Suite du commentaire précédent)
      Il ne faut pas non plus exagérer, un album de Yoko n’est pas une oeuvre de Nietzsche (excusez les fautes dans son nom…), heureusement ! Ceux que ça pourrait gêner n’ont qu’à lire du Michel Vaillant smiley.
      Dernière chose que j’ai appréciée, cette phrase : “Il y a moyen de faire de la SF [et de l’aventure quelle qu’elle soit, NDA] sans avoir des gens qui font la guerre”. Bravo, seulement ce n’est pas très populaire parce que c’est tellement plus de travail de recherche d’un scénario qui tienne la route !!!smiley
      frac

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