Yoko dans les médias

Solaris

Il y a aussi Wells, Jules Verne. Certaines littératures peu connues. Il y avait une histoire qui m’a beaucoup impressionnée dans BIMBO, pendant la guerre, ACOR LE ROI DE LA PLANETE. C’était mal dessiné, c’était horrible. Ce personnage était le chef d’une population à la peau brune. Peut-être que c’est de là que vient la peau bleue des Vinéens. D’ailleurs, j’ai un projet d’histoire de Vinéens à la peau brune qui ont été exilés à cause de la couleur de leur peau.
Lisez-vous toujours de la BD ?
J’ai lu récemment toute la collection de Blueberry et ça m’a beaucoup Je ne suis pas friand de BD, pas parce que je rejette les autres mais bien que je ne veux pas être influencé par les autres. Je veux créer mon univers. Je lis le journal de SPIROU parce que je le reçois.
Lisez-vous des œuvres de fiction en SF ?
Je lis des ouvrages de Clarke. Il faut acheter beaucoup de romans de SF pour en avoir un bon. Ils se recoupent souvent. C’est difficile car on n’a pas assez le recul du temps.
Que pensez-vous du milieu de la BD en général? C’est un milieu dans lequel lecteurs et créateurs ont des contacts assez fréquents.
Prenons le concours organisé ici pour trouver la jeune fille qui incarne Yoko: l’éditeur le fait dans un but commercial, mais moi je ne pense pas de la même façon, j’y vois les nouvelles rencontres.
Mais on me fait jouer le rôle de la vedette, parce que celui qui me voit attend que je lui raconte quelque chose, il attend un spectacle. Moi je suis à ma table de dessin et c’est là que se fait mon travail. La rencontre avec le lecteur se limite souvent, et c’est malheureux, à faire un petit dessin. Les lecteurs qui analysent vraiment en profondeur sont des gens comme vous qui viennent vers le dessinateur parce que ça les intéresse.
Que pensez-vous des profonds exégètes qui découvrent dans vos oeuvres des résonanceset significations secrètes et troublantes ?
Je pense qu’ils les trouveront aussi dans d’autres oeuvres. Ils se cherchent, ils veulent jouer aux philosophes parfois; ils ne sont pas sur la même voie que moi. Mais ce n’est pas ce que j’ai raconté qui importe, c’est la façon dont c’est reçu, parce qu’au fond mon héroïne, je la vois d’une certaine façon. Mais ai-je pu vraiment passer ce que je voulais faire passer ? Sinon, ce sera autrement. Mais tous les gens vraiment intéressants la perçoivent comme moi. Là je suis très heureux. La plus grande joie pour moi c’est que les Japonais viennent récupérer Yoko en disant qu’elle est vraiment l’image de la japonaise moderne.
Où s’en va le personnage de Yoko ?
Une jeune fille de plus en plus réelle; je veux montrer une autre facette du personnage, que je n’ai fait qu’effleurer c’est-à-dire une plus grande intériorité. La rendre vivante. C’est pas très complexe, car je crois qu’il y a plus qu’un contact entre Yoko et moi. Plus je mûris, plus j’ai besoin d’elle. C’est une symbiose. J’essaie de la rendre plus vivante, plus souple. C’est fort difficile car on arrive à une limite où le personnage se fige. Il y a une limite à ne pas franchir. Notamment dans LES ARCHANGES DE VINEA, elle est plus femme ou plutôt plus féminine. Pas plus âgée, au contraire, il y a des moments où elle est très petite fille. Je crois que c’est important pour une femme de garder la petite fille en elle et Yoko ne l’oubliera jamais. D’ailleurs Vie et Pol l’appellent souvent “mousmé”, comme une petite fille. “Mousmé”, c’est la gentillesse. Ils la considèrent comme une petite fille.
Et Yoko quand elle parle à sa mère dans LA SPIRALE DU TEMPS, on voit qu’elle est très proche de sa mère: elle pleure en lui parlant. C’est très important ça. C’est une chose que je n’ai pas pu faire dans la vie et je le donne à Yoko.
Vous comptez rester longtemps avec Yoko ?
Toute ma vie.
Peut-être créer un autre personnage ?
Non. J’ai créé Yoko sur le tas, si je puis dire. Il me reste peut-être à pouvoir aller jusqu’à l’album 20. Déjà rendu à cet album je déciderai à ce moment; mais je ne crois pas que je vais créer un autre personnage. Je donnerai à Yoko des héroïnes secondaires, qui orbitent autour d’elle, et leurs personnalités seront très fortes. J’essaie de lui donner des amies. Je pourrais faire des histoires avec Ingrid seule ou avec Khâny. J’avais rêvé de sortir Poky et de faire des histoires avec elle. Puis je me suis dit que non, qu’elle n’avait sa valeur de petite fille que parce qu’elle est avec une autre plus âgée, Yoko.
Il y a un problème qui s’est posé lorsque Monya est venue sur la Terre, Yoko a subitement vieilli. Ce n’est pas parce qu’elle a vraiment vieilli, c’est qu’elle se trouvait avec une amie juste un peu plus jeune qu’elle. Je vais essayer maintenant de ne plus placer Yoko avec un personnage si proche d’elle au point de vue de l’âge (sauf Monya, bien sûr). J’essaie de lui associer des femmes à côté desquelles elle prend toute la fraîcheur de sa jeunesse.
Finalement, Yoko Tsuno c’est beaucoup Roger Leloup…
C’est beaucoup ce que Roger Leloup n’a pas vécu et qu’il découvre à 48 ans, émerveillé. Je n’osais pas raconter à l’école, j’étais nul en rédaction. On m’a, toujours dit “T’es trop petit, tais-toi”. Alors maintenant je parle. Je suis un enfant qui a beaucoup rêvé et dont on n’a pas écouté les rêves: maintenant je les offre aux autres. C’est toute ma jeunesse. Il y a le Roger Leloup qui a son âge et il y a le Roger Leloup qui a 20 ans et qui court à côté de Yoko…
Yoko n’existerait pas sans mon public. Ce n’est pas grâce à moi mais grâce à ceux qui lui ont donné vie en lui prêtant foi. Elle n’existe que parce que le public l’accepte.
Et quel est votre public-cible?
Mon public, c’est tout le public. Tous ceux qui veulent me lire peuvent trouver tous les éléments pour s’y retrouver. J’ai une grande joie, c’est que j’ai de plus en plus de petites filles lectrices. J’ai réussi à faire de Yoko l’amie de milliers de petites filles.
Merci, Roger Leloup.

Yoko Entrevue réalisée par Luc Pomerleau et publiée dans SOLARIS No. 46 (août 1982) et         No. 48 (février 1983)

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C'est Moi

8 commentaires

  • Cherrydean

    Ça doit être assomant de faire une entrevue comme celle-là smiley.

    Bien heureuse que le charme de l’archange n’ait pas été plus fort que ça sur Yoko, je n’aurais pas apprécié autant ce volume.

    C’est drôle de lire ça des années plus tard (en 82, je n’avais qu’un an). On voit que M. Leloup a changé d’idées parfois avec le temps, comme de ne pas refaire un personnage comme Monya, à cause de son âge. Emilia a le même âge.

  • petrushka

    Hé! oui, Cherrydean on change parfois avec le temps et les ans qui passent… Roger a vu grandir ses petits enfants…Et moi, pouf! je suis là!… Mais pas pour vieillir Yoko mais l’emmener un rien dans mes dialogues plus effrontés et apporter parfois plus de piment à ses réponses. N’oubliez pas que j’étais une héroïne qui devait jouer en solo à une époque différante… J’ai réussi à ce que Roger ne puisse plus se passer de me faire vivre et à ce qu’il me fasse partager l’aventure avec Yoko..; Mais je ne lui volerai pas la vedette… Promis!…

    Quant à l’interview… Bigre!… Elle avait duré une demi journée et le journaliste (très au courant) a tout repris de ce qu’il avait enregistré… Vous avez de quoi lire… et juger! C’est très fidèle!

    Bises à tout le monde
    Emilia

  • yoko452

    []

        [surlign]C’est vrai que cet interview est très longue! Mais on y apprend beaucoup de chose, seulement au début ce qui m’énerve un peu c’est qu’il parle beaucoup de sa collaboration avec Hergé et de ses dessin dans TinTin ! J’aime bien TITIN mais je préfère mieux Yoko et quand on lit un interview sur Roger Leloup, on a envie qu’il nous parle de sa propre BD! ( du moins c’est ce que je pense!!!)…
        Il dit aussi qu’il a fait évolué les dessins des personnages au fil des BD, c’est ce que j’avais aussi remarqué et je me demendai justement pourquoi cela ? Maintenant je suis contente d’avoir trouver la réponse, il est vrai que je n’aimais pas trop le côté caricatural de YOko et des autres personnages, ce n’était pas réel, trop comique comme le dit Roger Leloup et il est vrai que Yoko et ses histoires ne sont pas dans l’univers comique, c’est plutôt sérieux, on le voit bien avec les décors qui sont hyper réalistes, les engins, les chateau
        , etc…
        [/surlign]

      [/taille]smiley

    • Gobol

      Je suis très heureuse d’avoir pu lire cette interview… effectivement très longue, mais très dense aussi, avec beaucoup d’informations fort intéressantes ! J’ai été surprise qu’Ulysse 31 y soit mentionné. Je n’avais jamais fait le rapprochement, et pour bien connaître cette série de SF, à part la petite Thémis à la peau bleue et au transmetteur de pensée qui ressemble effectivement beaucoup à Poky (sauf les cheveux, qu’elle a blancs et courts), je ne vois pas tant de points communs que ça avec l’univers Vinéen créé par Roger Leloup… Peut-être suis-je trop attachée à ce dessin animé ? J’avoue que j’ai une affection particulière pour cette série, et que Noémi aime beaucoup aussi… S’il y a plagiat en ce qui concerne Thémis, c’est vrai que ce n’est pas très honnête, effectivement… Mais en ce qui concerne l’environnement, le monde créé par Roger est bien plus “fouillé”, bien plus travaillé que ceux qu’on rencontre dans Ulysse, qui ne fait que “passer” dans ces différents mondes, la plupart du temps. Je crois que Roger faisait aussi cette remarque à propos de l’architecture de la ville de Shyrâ, et j’avoue que je n’ai pas retrouvé vraiment d’équivalent dans Ulysse 31 (mais peut-être ne suis-je pas assez critique ?). Allez, une fois de plus, c’est trop long pour un commentaire… alors que le problème que je soulève n’apparaît que sur une toute petite partie de cette interview… Désolée !

    • Hallberg

      Travail bien fait où le journaliste ne pousse pas, comme c’est trop souvent le cas, la personne interroger à aller trop vite et à schématiser, et où il ne cherche pas à le mettre mal à l’aise pour lui tirer les vers du nez.

      Je suis souvent critique par rapport au journalisme et en particulier à l’exercice forcé de l’interview, mais je trouve que la façon de faire, ici, est exemplaire.

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      (Suite du commentaire précédent)
      Il ne faut pas non plus exagérer, un album de Yoko n’est pas une oeuvre de Nietzsche (excusez les fautes dans son nom…), heureusement ! Ceux que ça pourrait gêner n’ont qu’à lire du Michel Vaillant smiley.
      Dernière chose que j’ai appréciée, cette phrase : “Il y a moyen de faire de la SF [et de l’aventure quelle qu’elle soit, NDA] sans avoir des gens qui font la guerre”. Bravo, seulement ce n’est pas très populaire parce que c’est tellement plus de travail de recherche d’un scénario qui tienne la route !!!smiley
      frac

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