Yoko dans les médias

Solaris

parce que les Japonais aiment beaucoup cette histoire. Et il faut vraiment typer Yoko en tant que Japonaise.
J’ai d’ailleurs eu une grande joie parce que les Japonais sont venus chez moi pour réaliser une entrevue pour la télévision japonaise. Ils ont filmé le Marché Commun à Bruxelles, Jean-Jacques Servan-Schreiber et moi. C’était sur les mesures protectionnistes européennes contre l’expansionnisme japonais. C’était très impressionnant. Et ils sont venus chez moi parce qu’ils avaient découvert que dans la BD, que ce soit Jacobs, Buck Danny ou LE LOTUS BLEU d’Hergé, le Japonais était présenté comme le péril jaune, comme le danger. Et là ils ont découvert que la seule BD où le Japon était représenté avec une image de marque c’était les aventures de Yoko. Les autres manipulaient la jeunesse européenne contre eux, tandis que moi … Yoko essaie de rétablir l’amitié; c’est ce qu’ils ont dit.
Même si Jacobs a essayé de se “racheter” avec LES TROIS FORMULES DU PROFESSEUR SATO.
Non, il ne se rachète pas. Il montre un Japon qui est assez inhumain, il faut le dire.
Avec le Japon, avec Vinéa, avec Ixo et avec la jeune fille qui vient du futur, on assiste souvent à un choc de cultures. Il y a des traditions différentes, des philosophies différentes, qui sont souvent à la base même de vos intrigues, du conflit. Est-ce une question qui vous intéresse particulièrement?
C’est une question normale. Si mes personnages viennent d’ailleurs, ils doivent forcément être différents. Puis je travaille surtout par contrastes. Si j’ai donné une petite fille à la peau bleue de 4 ou 5 ans, c’est que je veux faire l’équilibre entre la froideur des machines et la chaleur d’une petite fille, le rêve d’une petite fille. Là où il y a des finalités, où les engins ne peuvent pas évoluer puisqu’ils sont des robots, la petite fille est là et peut évoluer. Elle a tout l’avenir devant elle. Ca me permet de montrer le charme de l’enfance et le raisonnement de l’enfant face au sérieux des adultes. Pour elle, la vie ne représente pas la même chose et parfois, d’une réflexion de Khâny, de Pol ou de Yoko, elle fait la réflexion de l’enfant. Elle est le petit rien vers lequel on a envie de se retourner et de dire “Au fond, c’est toi qui as raison”.
Vous parlez du rêve. Le premier album s’ouvre sur une émission spéciale sur le rêve et curieusement, depuis, on ne voit plus de rêves dans Yoko Tsuno.
Oui, ils font une émission sur le rêve …il n’y a plus personne qui rêve. Si je fais du rêve, je ne passe pas dans la réalité, et j’ai 44 planches pour réaliser une histoire, c’est ça le problème. Hergé a fait des rêves, Martin aussi. Moi je n’aime pas tellement ça. Je trouve que ça fait messager qui vient de l’au-delà. Je crois que ça donnerait à Yoko une double vue, une autre vision. Je préfère donner le rêve par la machine, ou alors, du mental de quelqu’un elle peut savoir ce qui se passe. Jacobs fait lui aussi rarement des rêves; une fois il a fait un rêve …et puis non ce n’est pas un vrai rêve, quand Mortimer tombe dans la pellicule dans LE PIEGE DIABOLIQUE.
Les machines vous fascinent-elles ? On. en trouve à la tonne dans Yoko Tsuno.
Oui, moi la machine j’aime beaucoup, pour autant qu’elle soit au service de l’homme.
Car vous vous méfiez un peu de la machine. Par trois fois un « contrôleur central » acquiert une volonté propre et asservit les humains ou ses constructeurs.

Le thème de la machine incontrôlable qui dépasse l’homme, de l’intelligence qui devient autonome et qui veut supprimer l’homme qui la contrôle. C’est le thème du puissant qui veut supprimer celui dont il veut prendre la place. Je suis contre les banques de données où on presse sur un bouton et on sait tout ce que vous faites, ce

que vous ne faites pas. Ca, c’est entrer dans la vie privée des gens par la machine, c’est déshumaniser la société. C’est positif lorsqu’il s’agit d’ordinateurs médicaux par exemple, lorsqu’il fait établir la fiche d’un malade.
Mais le jour où on veut employer quelqu’un et qu’on presse sur un bouton et qu’on a tous ses antécédents médicaux et qu’on dit “Celui-là on ne le prend pas, il a dix ans à vivre, il ne nous rendra pas service”, ça devient grave.
Je suis pour l’avion qui se pose en bout de piste, qui transporte les gens, cette machine est merveilleuse. Mais la flotte qui navigue vers les Falklands, ça je suis navré, c’est la machine au service de l’homme de façon néfaste.
Dans ces albums, les humains ont abdiqué leur volonté en faveur d’une machine supérieure.
Ce qui est le danger en ce moment.
Et dans LA LUMIERE D’IX0, c’est un conseil suprême qui est investi de l’autorité sur une population ignorante et superstitieuse.
En fait, ils l’ont créé. C’est comme au moment où l’imam Khomeiny a réussi à réunir tout un peuple autour de l’Islam, d’une foi, d’une religion; ça m’a impressionné. Et j’ai voulu montrer ces gens qui dans la détresse ont trouvé la volonté de survivre par leur foi. Et comme la foi s’effrite, leur univers se retrouve bâti sur de fausses croyances, il n’a plus sa raison d’être, c’est l’effondrement du système. C’est un petit peu pour ça qu’il y a cette autorité religieuse sur Ixo.
On me l’a un peu reproché, et pourtant je trouve que ce genre de choses comme la secte de Moon, c’est dangereux, dès le moment où l’on demande à l’homme quelque chose au nom de sa foi. La foi, c’est quelque chose qui doit porter l’homme à réaliser quelque chose de lui-même et non pas quelque chose qu’on lui impose. C’est à l’homme d’imposer ses contraintes, ce n’est pas aux autres à lui imposer leurs volontés sur des croyances. Je rétablis souvent les choses; dans LES TITANS, peu importe la forme qui différencie des êtres, si leurs pensées s’unissent pour bâtir un univers. C’est un peu philosophique mais c’est l’ésotérisme de Yoko, elle est asiatique. Elle dit aussi dans LA SPIRALE DU TEMPS “Les hommes se donnent des dieux pour se rassurer, puis inventent des légendes pour se faire peur”. Elle fait parfois un peu de philosophie, on me l’a reproché. Mais c’est très japonais. Les Japonais ne disent pas ce qu’ils pensent mais ils pensent ce genre de choses. Elle pense plus par idéogrammes, c’est le caractère de Yoko; ce côté-là, les Japonais adorent ça d’ailleurs. La déclaration des Titans a d’ailleurs été reprise dans un tas de journaux comme un message d’optimisme pour l’homme.
Votre architecture est très verticale, vos machines aussi. Dans LA LUMIERE D’IXO, la ville sur Shyra, c’est presque une cathédrale.
Oui, j’ai fait une cathédrale. Dans Shryna, ce que je retrouve c’est un dessin animé de SF, ULYSSE 31; c’est L’ODYSSEE transposée dans l’espace et il y a curieusement, une petite fille à la peau bleue, les écouteurs sur les oreilles. C’est ceux que j’ai fait, mais à l’envers. C’est un plagiat incroyable de LA LUMIERE D’IXO. Ils se sont même servi des décors, de tout; le peuple à la peau bleue qui ne retrouve pas sa planète, tout ça. J’ai vu aussi des scénarios de Bob Morane entièrement repiqués.
Cela a été réalisé au Japon?
Oui, avec des Français qui sont là. J’attends mon heure. C’est pas mal fait, mais ce n’est pas personnel.
La machine vous fascine par le bien qu’elle peut apporter; vous montrez cependant qu’elle ne doit pas servir à des fins malhonnêtes ou égoïstes.

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C'est Moi

8 commentaires

  • Cherrydean

    Ça doit être assomant de faire une entrevue comme celle-là smiley.

    Bien heureuse que le charme de l’archange n’ait pas été plus fort que ça sur Yoko, je n’aurais pas apprécié autant ce volume.

    C’est drôle de lire ça des années plus tard (en 82, je n’avais qu’un an). On voit que M. Leloup a changé d’idées parfois avec le temps, comme de ne pas refaire un personnage comme Monya, à cause de son âge. Emilia a le même âge.

  • petrushka

    Hé! oui, Cherrydean on change parfois avec le temps et les ans qui passent… Roger a vu grandir ses petits enfants…Et moi, pouf! je suis là!… Mais pas pour vieillir Yoko mais l’emmener un rien dans mes dialogues plus effrontés et apporter parfois plus de piment à ses réponses. N’oubliez pas que j’étais une héroïne qui devait jouer en solo à une époque différante… J’ai réussi à ce que Roger ne puisse plus se passer de me faire vivre et à ce qu’il me fasse partager l’aventure avec Yoko..; Mais je ne lui volerai pas la vedette… Promis!…

    Quant à l’interview… Bigre!… Elle avait duré une demi journée et le journaliste (très au courant) a tout repris de ce qu’il avait enregistré… Vous avez de quoi lire… et juger! C’est très fidèle!

    Bises à tout le monde
    Emilia

  • yoko452

    []

        [surlign]C’est vrai que cet interview est très longue! Mais on y apprend beaucoup de chose, seulement au début ce qui m’énerve un peu c’est qu’il parle beaucoup de sa collaboration avec Hergé et de ses dessin dans TinTin ! J’aime bien TITIN mais je préfère mieux Yoko et quand on lit un interview sur Roger Leloup, on a envie qu’il nous parle de sa propre BD! ( du moins c’est ce que je pense!!!)…
        Il dit aussi qu’il a fait évolué les dessins des personnages au fil des BD, c’est ce que j’avais aussi remarqué et je me demendai justement pourquoi cela ? Maintenant je suis contente d’avoir trouver la réponse, il est vrai que je n’aimais pas trop le côté caricatural de YOko et des autres personnages, ce n’était pas réel, trop comique comme le dit Roger Leloup et il est vrai que Yoko et ses histoires ne sont pas dans l’univers comique, c’est plutôt sérieux, on le voit bien avec les décors qui sont hyper réalistes, les engins, les chateau
        , etc…
        [/surlign]

      [/taille]smiley

    • Gobol

      Je suis très heureuse d’avoir pu lire cette interview… effectivement très longue, mais très dense aussi, avec beaucoup d’informations fort intéressantes ! J’ai été surprise qu’Ulysse 31 y soit mentionné. Je n’avais jamais fait le rapprochement, et pour bien connaître cette série de SF, à part la petite Thémis à la peau bleue et au transmetteur de pensée qui ressemble effectivement beaucoup à Poky (sauf les cheveux, qu’elle a blancs et courts), je ne vois pas tant de points communs que ça avec l’univers Vinéen créé par Roger Leloup… Peut-être suis-je trop attachée à ce dessin animé ? J’avoue que j’ai une affection particulière pour cette série, et que Noémi aime beaucoup aussi… S’il y a plagiat en ce qui concerne Thémis, c’est vrai que ce n’est pas très honnête, effectivement… Mais en ce qui concerne l’environnement, le monde créé par Roger est bien plus “fouillé”, bien plus travaillé que ceux qu’on rencontre dans Ulysse, qui ne fait que “passer” dans ces différents mondes, la plupart du temps. Je crois que Roger faisait aussi cette remarque à propos de l’architecture de la ville de Shyrâ, et j’avoue que je n’ai pas retrouvé vraiment d’équivalent dans Ulysse 31 (mais peut-être ne suis-je pas assez critique ?). Allez, une fois de plus, c’est trop long pour un commentaire… alors que le problème que je soulève n’apparaît que sur une toute petite partie de cette interview… Désolée !

    • Hallberg

      Travail bien fait où le journaliste ne pousse pas, comme c’est trop souvent le cas, la personne interroger à aller trop vite et à schématiser, et où il ne cherche pas à le mettre mal à l’aise pour lui tirer les vers du nez.

      Je suis souvent critique par rapport au journalisme et en particulier à l’exercice forcé de l’interview, mais je trouve que la façon de faire, ici, est exemplaire.

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      Ouf, quelle lecture ! ça m’a pris du temps mais je ne regrette pas, c’est passionnant. Je suis d’accord avec les commentaires ci-dessus et apprécie que l’interview soit très complète, pas seulement un petit paragraphe perdu où l’auteur ne parle que pour ceux qui ne connaissent pas encore Yoko.
      Moi aussi j’ai été surpris de voir mentionner Ulysse 31 mais comme chez moi, à l’époque, il n’y avait que la télé en noir et blanc, je n’ai jamais su qu’il y avait une “petite fille à peau bleue” !!!
      Ma seule vraie remarque est une question (qui n’appelle pas vraiment de réponse) : quel guignol ignard et inculte peut-il réellement reprocher à Yoko de faire de la philosophie ? Non seulement c’est la culture japonaise (pour le peu que j’en connais) et ce peuple dépasse toujours le côté matérialiste, me semble-t-il (même s’ils sont “excellent” dans ce domaine aussi), mais aussi c’est une des richesses du personnage. Pas de sentiments, pas de philo, que de l’aventure, que reste-t-il de Yoko ? Plus rien d’intéressant, oserais-je dire. On retrouverai un Buck Danny (dont je suis fan), dont la seule émotion est, environ deux ou trois fois par album “cette fois, c’est la fin, je vais mourir”. smiley
      frac (suite après)
      Toute se vie, l’homme perd sa santé à faire de l’argent et par la suite perd tout son argent pour essayer de la recouvrer…

    • frac

      (Suite du commentaire précédent)
      Il ne faut pas non plus exagérer, un album de Yoko n’est pas une oeuvre de Nietzsche (excusez les fautes dans son nom…), heureusement ! Ceux que ça pourrait gêner n’ont qu’à lire du Michel Vaillant smiley.
      Dernière chose que j’ai appréciée, cette phrase : “Il y a moyen de faire de la SF [et de l’aventure quelle qu’elle soit, NDA] sans avoir des gens qui font la guerre”. Bravo, seulement ce n’est pas très populaire parce que c’est tellement plus de travail de recherche d’un scénario qui tienne la route !!!smiley
      frac

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